Da Capo, le projet français de Pop rare et somptueuse en mode baroque est de retour avec le splendide Oh My Lady.
Évoquer Da Capo, c’est aborder plusieurs pistes. Évoquer le second disque de Love sobrement intitulé Da Capo justement. Il n’y a pas de doute que l’on peut trouver des filiations entre la bande à Arthur Lee et le groupe désormais dirigé par Alexandre Paugam. On trouve dans les deux groupes un même tropisme pour des circonvolutions de trompette, des climats de grands espaces. Même si les projets sont bien différents, écouter le nouveau Da Capo, Oh my Lady rappellera parfois les voisins de 49 Swimming Pools d’Emmanuel Tellier.
Da Capo, c’est aussi ce petit symbole en solfège qui permet de gagner de l’espace et du temps, une espèce de dérèglement de la temporalité qui convient si bien à ce disque. On retrouvera bien sûr des rapprochements possibles avec le Shack de Michael Head ou ses Pale Fountains mais aussi à Calexico. Bref, à une Pop qui doit tant à celle des sixties et au métissage.
Évoquer Da Capo, c’est bien entendu revenir sur l’expérience Lithium, véritable label-vivier qui vit émerger dans les années 90 des artistes majeurs. De Dominique A en passant par Bertrand Betsch ou encore Mendelson et Diabologum. Sans doute, peut-on reconnaître à Da Capo que c’est peut-être celui qui a le moins profité en termes d’images du label car sans doute que leur identité n’avait pas grand-chose à voir avec celles des autres artistes signés.
Cela n’empêcha en rien au groupe de poursuivre sa carrière et Oh my lady est le 5ème album du groupe. Longtemps, ce projet fut celui de deux frères, Alexandre et Nicolas Paugam. Nicolas, depuis ayant entamé une carrière solo qui lui donne un éclairage mérité. Ce disque se fait donc sans lui. Si vous ne vous êtes pas remis de la disparition des Married Monk, Oh My Lady est sans doute pour vous car il n’y a pas à en douter, les images en tête d’Alexandre Paugam sont de larges territoires américains mais fantasmés par un européen. On y entendra le spectre d’Alex Chilton puis l’instant qui suit , le folk gracile de Nick Drake. Ce disque regorge de sublimes idées d’arrangements maitrisés et presque planqués derrière une voix parfois sibylline quand elle ne se fait pas murmure. On a pourtant déjà entendu cent fois You really don’t know avec cette mélodie arrache-cœur à la Low Roar.
I fell in love convoque des tonalités northern soul, l’urgence d’un Paul Weller période Style Council ou l’énergie de Kevin Rowland. Des bluettes au bord du vide, des fragments de frisson à la Frankie Valli.
Ce qui est remarquable à l’écoute de ce disque, c’est cette voix déclamatoire et si expressive qui s’amuse avec des tourbillons. Elle est souvent au bord du trop, du presque trop, toujours sur le fil du rasoir comme dans Cold In the night. Un pas de trop et l’on devient pathétique, un pas de côté et tout s’écroule, un pas en arrière et l’on n’ose rien. Oh My Lady ose et réussit toujours comme cet espace d’interlude, toute en fragilité qu’est Beauty From You. Parfois terrienne, la musique d’Alexandre Paugam devient ici céleste, quelque chose d’une berceuse.
Alexandre Paugam joue aussi avec le suranné mais sans la moindre ironie comme ce Heal Me, balade à l’ancienne qui rappelle pourquoi le groupe porte ce nom. On y entend des cuivres exquis, la lascivité de Dusty. On s’amusera à entendre ici et là des clins d’œil à Ray Davies comme sur Violent World et à trouver dans Far Cry quelque chose qui évoque Robert Wyatt. Mais là où Alexandre Paugam reste le plus poignant, c’est sans aucun doute dans des mélancolies sans fond comme Stranger qui laissera quelques-uns sur le carreau.
Oh My Lady devrait apporter enfin la lumière que mérite Da Capo avec ces dix chansons bouleversantes, faussement naïves et chargées de ce que l’on aura envie d’y voir et d’y entendre.
Greg Bod
Da Capo – Oh My Lady
Autoproduction / Differ-Ant
Sortie : le 3 mars 2017