Avec Good, Rodolphe Burger signe un grand disque, exigeant mais accessible, empli de climats changeants.
On n’oublie jamais les groupes qui ont forgé les émois premiers même si l’on ne comprenait pas toujours bien la démarche et les envies artistiques de ceux-là. Cela contribuait sans doute à leur donner une aura supplémentaire de mystère pour ne pas dire de mythe. Il en est ainsi de Kat Onoma avec ses horizons brumeux et larges, cette langue hermétique, ce travail du mot comme un son, comme une parcelle. Longtemps, Kat Onoma et Rodolphe Burger ont su entretenir ce sillon que d’autres ne surent pas négocier. Allier un certain sens d’une météo interne avec une déclamation littéraire, les jeux de copier-coller, les cadavres exquis, la construction d’un vocabulaire neuf. Certes, on ne comprenait pas tout, on n’entendait pas toujours mais peu importait.
On n’oubliera pas non plus tout ce que Burger a pu apporter à la spatialisation étrange de Bashung. Assurément, il y a bel et bien eu rencontre là entre une plume, un créateur et un démiurge. On n’oubliera pas le passionnant Cheval Mouvement qui fit école chez quelques musiciens. Ne retrouve t’on pas un peu de ce Burger-là chez Bouaziz avec ou sans Mendelson ou encore chez le brestois Colin Chloé ?
Le problème, c’est qu’il y a un minuscule problème, c’est que l’on pouvait parfois avoir l’impression de tourner un peu en rond dans cet univers-là, entre slide-guitar atmosphérique, entre Lou Reed et Gainsbourg. Le frisson était là mais parfois émoussé. Pourtant, il ne faudrait pas oublier l’importance d’un artiste comme un pont qui réunit Bashung et Gainsbourg mais aussi le Velvet Underground et Kraftwerk.
Avec Good, il retrouve la place qu’il mérite, avec un immense disque, peut-être parmi les plus accessibles du monsieur. Pourtant, en ouverture, Good hésite entre effluves expérimentales et blues décharné quand Happy Hour prend le chemin d’une valse débraillée. Comme toujours, alternant textes en français et en anglais, parfois au sein d’un même morceau, Rodolphe Burger nous déroute bien souvent, comme ce Cummings alambiqué et complexe. On pense au David Lynch dérivant dans ses musiques plombées.
Mais c’est sans doute quand il simplifie son propos, quand il tente l’épure qu’il est le plus pertinent et le plus touchant comme ce Poème en or, vague prolongation d’une Lady Of Guadaloupe. On pensera aussi au Bashung de L’Imprudence sur un titre comme Providence. Il sait aussi changer de braquet avec des titres bien plus abrasifs comme Fx of Love. Il ressort parfois de ce disque une impression d’incohérence dans les changements de ton sans doute désirée par l’auteur.
Chez Burger, il n’y a jamais vraiment de chaleur ni d’envie de plaire à tout prix. Rodolphe Burger n’est pas charmant et ne le sera sans doute jamais. A quoi cela sert-il de chercher à plaire alors que l’on peut se mettre en danger et par extension l’autre aussi qui nous écoute ? C’est peut-être pour cela que l’on a parfois considéré sa musique comme étant élitiste. Il y a toujours, même dans les ballades les plus dépouillées comme An Der Lili, une violence sourde, un background inquiétant. L’impression d’entendre le souffle du vent qui monte du gouffre. Cet aveuglement des bas-fonds, les orages qui déchirent les étendues.
Avec Good, Rodolphe Burger signe un grand disque exigeant mais accessible, empli de climats changeants, des musiques des lumières de l’Est et des mouvements d’un homme immobile dans le ciel.
Greg Bod