Révélés à un plus large public avec un quatrième album paru il y a 3 ans, le groupe confirme nos espoirs mais aussi nos craintes avec un album kitschissime et ultra Pop !
A l’époque de la sortie de Singles en 2014, le quatrième disque de Future Islands, il était difficile de passer à côté. Sur le papier, rien n’était gagné. Pour bien s’entendre, résumons un peu la situation. Prenons un groupe mené par leur chanteur Samuel T. Herring, la plus étrange et plus incroyable créature que la Pop ait accouchée depuis longtemps. Une chorégraphie sur scène qui tutoie le ridicule mais qui assume aussi sa part d’étrangeté. Un appétit pour les mélodies ultra synthétiques des années 80 et pas forcément le haut du panier de cette décennie-là. Aussi étrange que cela puisse paraître, cela fonctionnait à plein, sans doute que l’une des raisons résidait dans l’authenticité de la folie du boss de Future Islands. Cela donne à l’exercice une dimension régressive et presqu’Art Brut que l’on aime chez Dan Deacon.
Ils reviennent avec The Far Field qui reprend à peu de choses près les mêmes recettes que Singles. L’objectif désiré est d’atteindre une efficacité immédiate à travers des titres qui n’y vont pas par quatre chemins. Le moins que l’on puisse dire à l’écoute des douze titres, c’est que c’est plus que réussi. C’est à la fois brillant, ironique en diable. C’est à la fois d’apparence très lâché, dans une forme de nonchalance j’en foutiste mais quand on fouille un peu, on devine en arrière-fond, bien planqué quelque chose de plus profond. Car Samuel T. Herring n’est pas un énième freak comme nous en propose de temps en temps la Pop. Il y a bien plus que cela dans Future Islands, celui qui est attentif saura y trouver des traces de Frank Tovey (Fad Gadget) ou d’Ariel Pink.
Imaginez John Maus qui délaisserait sa passion pour Bernard Minet ou les titres sombrissimes, joignez-y une touche de disco frelatée et vous obtenez Future Islands. Déjà Singles portait bien son nom, écumant des tubes underground sur l’ensemble du disque. The Far Field poursuit sur la même lancée avec des titres plus incisifs et largement ajustés pour être défendus sur scène. On y retrouve aussi ce chant à la fois maniéré et sobre comme un Bukowski un lendemain de cuite. D’Aladdin à Time On Her Side ou encore le single Ran, cela flirte souvent avec le mauvais goût sans pour autant tomber à pieds joints dedans. Car ces américains-là sont futés et ont bien compris que de jouer avec le pathétique contribue à les rendre plus touchants encore et accessibles aussi.
Imaginez Lords Of The New Church sous ecstasy et vous aurez une petite idée de la dérive de Cave. Par contre, Future Islands n’évite pas l’écueil du simplisme parfois, rendant ce qui relevait dans sa musique du bizarre incongru une posture travaillée et finalement artificielle. On passera sur deux, trois morceaux moins passionnants sur la moitié du disque pour s’intéresser à ce duo avec Debbie Harry de Blondie. Une telle collaboration sonne comme une belle évidence tant on y retrouve tout ce qui faisait le projet de la dame, unir la danse, une certaine frivolité avec une énergie du Rock et du Punk. On en voudra encore plus à Future Islands de ne pas savoir maintenir ce degré de folie que l’on trouvait sur les autres disques du groupe. Le risque ici étant de capitaliser sur une recette éprouvée sur scène et de sortir des albums à demi-passionnants à grands coups d’effets de manche pour masquer le tout et emporter la partie mais n’anticipons pas sur un possible futur. Car de toute façon, la musique Pop, c’est toujours un coup de bluff, quelque chose d’un peu mensonger. Ce Far Field reste un bel épisode récréatif, parfois facile mais somme toute efficace et c’est à peu près tout ce que l’on attend d’un groupe de Pop. Et jusqu’à preuve du contraire, Future Islands n’a de prétention qu’à être cela.
Greg Bod
Future Islands – The Far Field
Label : 4AD
Sortie le : 7 avril 2017