Entre conflits de classe et de culture, il n’est pas tous les jours aisé de se comprendre… La Boîte à Bulles nous propose une fable sociale sur la rencontre de l’autre et le regard que l’on pose dessus !
L’interaction entre les êtres humains est souvent une question de regards et de jugements, comme si l’autre se définissait par ses différences… Dans Udama chez ces gens-là, Zelba s’amuse à pointer du doigt certains de ces comportements sociaux, les prenant à contre-pied. Il met en situation une poignée d’individus qui se croisent, se rencontrent, s’opposent… et explore les réactions de chacun face aux vicissitudes du quotidien.
Claire et Hervé viennent d’avoir une fille. La fin du congé maternité approchant, la jeune maman se prépare à reprendre son travail d’agent immobilier et cherche quelqu’un pour garder Rose. C’est ainsi qu’Udama, Malienne issue d’un milieu modeste, arrive chez le couple bourgeois pour postuler comme nourrice à domicile… Malgré son manque de qualifications et de diplômes, elle obtient le poste. Le fait qu’elle soit mère elle-même, également prête à être flexible concernant les horaires si besoin, n’y est pas étranger. Commence alors la routine d’Udama… Tous les jours, elle parcourt la distance séparant le logement cossu, près de la tour Eiffel, de l’appartement de banlieue, petit et insalubre, qu’elle partage avec sa cousine et leurs quatre enfants. Dépendante des revenus générés par cet emploi, elle s’investit plus que de raison, acceptant toutes tâches qu’on lui soumet et les retards de plus en plus fréquents de Claire. Entraînée dans un engrenage qu’elle ne maîtrise pas, elle se retrouve prise dans un cercle vicieux de plus en plus oppressant pour elle… D’une part, les retours tardifs de sa patronne alimentent les tensions avec sa cousine qui l’attend, en s’occupant des bambins, pour partir travailler. De plus, elle subit insidieusement les humeurs changeantes de Claire qui déprime et les approches d’Hervé, cherchant l’amour que sa femme ne lui offre plus. Perdue dans cette spirale nocive, témoin du mal-être de ceux qui l’entourent, les jeunes parents ne parvenant plus à communiquer, elle va en profiter pour en tirer parti et s’octroyer un avenir plus radieux…
Dessinateur et scénariste, Zelba nous propose une œuvre se jouant des codes établis, à commencer par le titre, inspiré de la formule xénophobe « ces gens-là » dénigrant les autres, ceux que l’on ne connaît pas, bien souvent étrangers, ici utilisée à l’encontre d’une famille de la « bonne société française ». À travers les interactions qui découlent des relations entre les protagonistes, entremêlant les histoires, il évoque les maux de notre société : les conditions de travail des immigrés, l’exploitation, les différences de classe et de culture, les injustices, l’exténuation professionnelle, les difficultés au sein des couples, le délaissement, le baby blues, mais aussi la lutte pour l’ascension sociale… Les déboires s’enchaînent, s’ajoutent, jusqu’à en devenir angoissants pour le lecteur, spectateur impuissant du manque de communication entre les divers acteurs.
Graphiquement, Zelba dépeint parfaitement le malaise qui va grandissant au fur et à mesure que l’intrigue avance. Derrière une ligne claire, son dessin expressif et semi-réaliste rend les personnages attachants tant ils apparaissent authentiques. Le soin porté aux visages de Claire et d’Hervé suffit à donner sens au récit. Leurs traits tirés et déformés, les yeux fatigués, les couleurs pâles… appuient, par l’exagération, le désespoir des époux.
Encore un choix éditorial pertinent des éditions La Boîte à Bulles qui offre un regard juste sur notre époque !
Simon BAERT
Udama chez ces gens-là
Scénario : Zelba
Dessin : Zelba
Éditeur : La Boîte à Bulles
110 pages – 20 €
Date de sortie : 1er février 2017