Andy Cartwright et son projet Seabuckthorn raviront ceux qui attendent de la musique une dimension transcendante, un melting-pot qui provient autant de la transe que d’une certaine idée de la déraison.
Turns, le dernier disque de Seabuckthorn, projet tenu par le guitariste Andy Cartwright, ressemble à s’y méprendre à une épreuve ou à un rite de passage, comme la transformation d’un état vers une autre perception. Ici, nul besoin de Peyotl ou toutes autres substances illicites. C’est par une forme de divination, de science de la répétition que l’on atteint un ailleurs improbable. Tout au long des 10 titres qui forgent l’entité Turns, on sent Andy Cartwright en quête d’une forme de primitivisme, un peu comme si un ethno musicien allait puiser dans les rythmes des premiers occupants des Amérique. Car la musique est née de la lancinance d’un rythme, de ce rythme comme un communicant avec les anciens disparus. Turns est pleinement dans cette expérimentation-là, une soif de verticalité et d’extraction de soi. On est toujours entre la douceur et la dissonance, le presque chuchoté et la psalmodie. « Les morts peuvent danser » comme le disent Lisa Gerrard et Brendan Perry, les voix éteintes de ceux qui ne sont plus, le bruit du vent qui imitent le son de leurs chants oubliés.
On invoquera l’ombre d’un Richard Youngs, on se plait à se dire que sans doute si Labradford avait poursuivi sa discographie exemplaire, cela sonnerait un peu comme ce vaporeux et rêche à la fois Turns. On y entend la dérive, l’improvisation comme seul guide d’une composition jamais figée ni dans l’espace ni dans le temps.
Tout évolue ici par strates successives qui viennent construire des vagues qui nous submergent, à la croisée de la musique contemporaine et du folk éthéré. Rien de surprenant non plus à le voir collaborer avec Loscil, autre projet déviant. Bien que près de l’os, la musique d’Andy Cartwright peut nous mettre dans une zone d’insécurité comme celle des français Cantenac Dagar ou celle d’un Swans sans électricité. On pourra trouver des cousinages avec les travaux de Cyril Secq pour cette même interaction avec l’espace pour en faire un acteur complet du dialogue qui se constitue entre nous et les notes.
Turns est un disque passionnant qui demande d’aller y chercher quelques clés mais une fois la porte ouverte, on s’y installe pour ne plus le quitter.
Greg Bod
Seabuckthorn – Turns
Label : Lost Tribe Sound
Sortie le : 21 avril 2017