Ici d’ailleurs poursuit son exploration des musiques à la marge avec la collection Mind Travels et nous invite au « Rite Of The End » du polonais Stefan Wesolowski.
Ici d’ailleurs s’était déjà penché sur la musique de Stefan Wesolowski en rééditant son premier album, Kompleta. En polonais qui se respecte, on trouvait dans la musique du jeune homme un mysticisme pour le moins singulier et un univers multiforme. Autant le dire de suite, une collection comme Mind Travels convenait à cette musique comme un gant de soie que l’on enlève délicatement. Il faut aussi l’affirmer, il est des compositions qui nous laissent à la porte, d’autres qui nous irritent et puis il y a les élévatrices et les transcendantes. Il y a dans la musique de Stefan Wesolowski un peu du Penguin Café Orchestra de Simon Jeffes mais qui aurait découvert le goût du chaos et de l’Armageddon. On a pu lire ici et là que Stefan Wesolowski était proche d’un autre musicien polonais, Michal Jacaszek avec lequel il a d’ailleurs collaboré. On retrouve chez les deux cette propension à la répétition, à l’ostinato litanique. On ne voit que peu de joie dans la musique des deux musiciens mais être à la fleur du désespoir évite la neutralité et révèle un humanisme profond.
On ne pourra que conseiller, pour stimuler sa curiosité, d’explorer le catalogue de la collection Mind Travels qui n’a rien à envier aux autres sorties du label de Nancy.
On pensera parfois au Murcof de Cosmos dans les longues nappes synthétiques qui ouvrent Prelude et ses violons dissonants entre échos d’un John Cale halluciné et fracas industriel. Frame II, lui, se veut comme une pièce profane qui voudrait tendre vers une forme de sacré, de celles que l’on perçoit chez Part, Gorecki et tous ces auteurs de l’est de l’Europe. Ces pays qui, fut un temps pas encore si loin que cela de nous, devaient étouffer leur sentiment religieux. On entend chez tous ces auteurs une dilution mystique et sa libération le temps de l’ouverture revenu.
Le drame et son expression sont toujours en latence dans les compositions de Stefan Wesolowski. Prenez Rex, Rex ! et sa martialité et ses spasmes de percussion qui évoqueront à certains le meilleur d’Elend quand le titre qui donne son nom au disque prolonge les errances aériennes d’un Greg Haines ou d’un Tim Hecker. Quelque chose qui scrute clairement du côté d’un Dark Ambient vaporeux et plombé mais aussi d’un folk intemporel à la Jozef Van Wissem.
Ce qui n’empêche pas la grande intelligence d’un tracklisting pertinent qui sait offrir à l’auditeur des temps de respiration et d’oxygène comme ce Seven Maidens en clair-obscur toujours centré sur des cordes ingénieusement appuyées d’un piano. Chez Stefan Wesolowski, il y a un jeu avec les espace-temps, des collisions entre des époques, des portions mutantes qui se confrontent comme ce Hoarfrost II comme une viole de Gambe baroque qui viendrait se briser sur un mur de bruits.
Disque touffu et passionnant, Rite Of The End est une épreuve qui apporte son lot de récompenses et devrait ravir toute personne généreusement pourvue d’oreilles aventureuses.
Greg Bod
Stefan Wesolowski – Rite of the End
Sortie le 28 avril 2017
Label : Ici d’ailleurs