C’est l’adoubement général pour la série comique française qui fait les beaux jours de France 2 depuis deux saisons – même si légère baisse cette année. Retour sur ce petit phénomène à relativiser.
Depuis l’an passé, Dix Pour Cent fait figure à la fois de petit OVNI et de bouée de sauvetage dans le paysage désertique de la série comique francophone. Moins axée sur l’aspect enfilade de sketches comme Working Girls ou H , moins étrangement barrée que l’étonnant Platane d’Eric Judor, elle a placé en deux saisons le divertissement sériel cocorico au niveau d’exigence que l’on attendait plus. Et pourtant, a priori, un feuilleton sur l’univers parisien des agents artistiques n’avait rien de franchement excitant. Mais la grande idée de départ, et finalement la meilleure idée de la série, c’est d’inviter de vraies personnalités du cinéma ou de la télé et musique, bref des vedettes du shooowbizzz, à jouer leur propre rôle, à quelques travers près, dans des scénarii souvent loufoques ou du moins assez jouissifs.
Dans sa première saison, Julie Gayet formait un couple en instance de séparation avec Joey Starr et jouaient ensemble dans un film à costumes. Nathalie Baye et Laura Smet prétextaient n’importe quoi pour ne pas avoir à jouer ensemble, qui plus est un rôle de mère et de fille… les dialogues prenaient ainsi un malin plaisir à triturer l’aura de certaines stars de l’écran en les ramenant à de véritables personnages perdus entre réel et fiction et dans des situations extrêmement drôles. Et originales, ce qui faisait le charme et la réussite de ce programme, franchement bien écrit et interprété, joli succès relayé par des réseaux sociaux enthousiastes, et une presse ravie d’avoir enfin à mettre des critiques positives sur une série franchouillarde mais pas trop.
De nouvelles stars ont donc été convoquées pour cette deuxième immersion dans les coulisses de l’agence ASK d’artistes et d’événementiel, qui reprend la même composition d’entreprise en rajoutant un nouveau directeur troublant et tatillon, qui malmènera l’équipe et brouillera leurs sentiments (amour, haine, désir ou frustration). C’est d’ailleurs un peu le problème dans cette saison : on s’occupe moins des guests que des personnages réguliers de la saison qui s’offrent des portraits enrichis, en profondeur : ainsi, le personnage d’Andréa Martel (Camille Cottin, la « connasse » de Canal+ dans un rôle parfait) est encore plus étoffé mais avec des pirouettes scénaristiques qui affadissent un peu son personnage de lesbienne caractérielle et égocentrique… et, de fait, les Julien Doré, Guy Marchand, Norman le Youtubeur, Virginie Efira, Ramzy Bedia et même Isabelle Adjani y ont un rôle mineur, servant de fil rouge pour un épisode mais qui profite surtout aux membres du staff d’agence et leurs parcours – parfois lourdingues d’ailleurs, ou déjà vus. Cependant, un écrin est offert à Fabrice Luchini – pour une fois très sobre et convaincant dans sa non-démesure, et Juliette Binoche qui plagie d’excellente façon Sophie Marceau dans une séquence « festival de Cannes » savoureuse.
Une saison 2 toujours réussie donc, mais peut-être moins novatrice, moins fraîche et moins drôle que la précédente, dû notamment à l’effet surprise qui n’est plus, forcément. France 2 annonce déjà une troisième saison, avec donc davantage de stars. Et, espérons-le, un peu plus de strass cette fois-ci.
Jean-françois Lahorgue
Dix Pour cent, série de Fanny Herrero (France)
Deux saisons (2×10 épisodes de 50 minutes chacun)
Avec Camille Cottin, Grégory Montel, Thibault de Montalembert…
Diffusion sur France 2 en mai 2017