Suite du projet entamé il y a près de 10 ans par le boss de la techno de Detroit, Carl Craig, et le pianiste Francesco Tristano.
En 2008, sur la scène de la cité de la Musique à Paris, avait lieu un de ces Cross Over musique électronique / orchestre symphonique dont rêvent les amateurs d’amphithéâtres soucieux de ne pas réserver le classique à une musique de niche pour “têtes blanches” en costume à 13000€ offert par un ami.
Ce jour là, l’orchestre sauvage Les Siècles emmené par François Xavier Roth concrétise le rêve déçu de l’Orchestre National de Détroit à l’orée des années 2000: marier la musique électronique du joyau électronique de la ville industrielle déliquescente, Carl Craig avec la tradition classique.Le projet français réussit là où l’ambition de la ville du DJ emblématique de la techno indus de la fin des 90’s échoue. Porté à bout de bras par le label inFiné qui enfonce toutes les portes. Carl Craig lui-même dira :
« Les spectateurs étaient à la limite de claquer des doigts en rythme et de danser, se souvient avec amusement Carl Craig, François-Xavier le chef d’orchestre n’avait jamais connu ça auparavant, il ressentait ce pouvoir que connaissent les DJ’s. Nous étions comme deux enfants émerveillés, il me faisait découvrir son monde et je l’entraînais dans le mien.”
Pour réussir le projet titanesque de marier les deux univers, l’un cybernétique et froid taillé pour les dancefloors décadent et l’autre déployant au mieux sa vitalité dans les salles silencieuses, le grain de malice aura été de faire travailler ensemble Francesco Tristano –L’homme est pianiste pas bégueule quand il s’agit de troquer l’ivoire et l’ébène du piano pour le clavier du synthétiseur (il est membre de Aufgang, mais à l’époque on ne le savait pas encore)- et Moritz von Oswald collaborateur de Carl Craig.
Ensemble ils travaillent à arranger les titres phares de Craig, dont Desire , dominas et at Les, pour mieux convaincre le DJ.
La prestation scénique fut une réussite. Le projet devint un enregistrement studio en 2010, auquel Carl Craig ajouta sa touche a posteriori et auquel il ouvrit les portes à des compositions de Francesco Tristano en retraite de Aufgang depuis quelques années. Voici Versus le disque né de la réflexion en studio menée pour le live français resté a ce jour inédit (mais plus pour longtemps). L’oeuvre apaisée d’un DJ qui file sur ses 47 ans.
Au delà du crossover pour vieil intello, ce Versus est-il un bon Carl Craig, connu pour être le tenant du son de Détroit ?
Si je suis un peu dérouté de trouver beaucoup de lumière ajoutée à la musicalité habituellement claustrophobe du DJ, je dois reconnaître que le travail de répartition de vieux hymnes entre instruments de cuivre ou de cordes et des séquenceurs du DJ tient de l’orfèvrerie. Rien qui n’aie l’air feint ou « patapouf ». Je redécouvre les titres avec plaisir, découvre la voie empruntée par les nouveaux titres du producteur et je suis même remonté à more songs about food and revolutionnary art pour y retrouver la version originale et comparer.
La version originale:
la version rejouée
Cet album est parfait pour un chill dominical un poil mélancolique, plus compliqué pour le dancefloor fut-il de quarantenaires un peu rouillés des rotules.
C’est d’ailleurs la seule critique que j’ai à lui faire. Reproche de chroniqueur qui se la raconte quand une des « têtes de pont » de sa jeunesse, se met à faire une musique qui ne correspond pas tout à fait au souvenir qu’il en avait gardé. Versus ressemble vraiment à une BO de film bien torchée, la faute/grâce à l’intervention orchestrale.
Ceci étant posé on navigue dans l’univers cinématique proposé par Carl Craig comme on regarderait ce remake de Blade Runner où la pluie ne cesserait de tomber sur les toits de cette ville post-industrielle et noire.
Denis Verloes
Carl Craig: Versus
Label : inFiné
Sortie : 5 mai 2017
Bonjour,
Ce disque comme beaucoup d’autres trans-genre démontre qu’il n’y a que de la musique et que les courants ne sont que des dénominations artificielles pour bac à disque.