Loin des franchises hollywoodiennes poussives qu’on peut mater dans les salles obscures ou des dérivés sériels trop collés aux originaux imprimés, le pas de côté dans l’univers des X-men impressionne, tant visuellement que scénaristiquement.
Absolument pas amateur de comics adaptés aux écrans, l’aura que possédait la nouvelle série de FX Légion auprès de gens aux goûts sûrs me poussait à la curiosité : encore une bonne intuition. Legion ne se regarde pas, elle se laisse admirer, bluffés que nous sommes par des trouvailles visuelles et des pirouettes dans l’écriture hallucinantes, faisant de l’ensemble de la saison un essai stylistique brillant, déconcertant aussi.
C’est à l’initiative fort louable de Noah Hawley, à qui l’on doit l’adaptation géniale du film des Coen Fargo en série culte après seulement deux saisons. Ici aussi, Monsieur a décidé de travestir complètement l’esprit Marvel des X-Men, comics célèbre et repris maintes fois au ciné dans des blockbusters anecdotiques. Ici, le super-héros ne sait pas qu’il l’est, ni que sa schizophrénie supposée qui l’oblige à vivre dans un hôpital psychiatrique est en fait un super-pouvoir. Et tout l’intérêt de la série, c’est qu’il ne voudra jamais s’en persuader. Dès lors, les concepteurs de Legion s’évertuent à brouiller toutes les pistes entre réalité, fantasmes et délires issus de son cerveau en charpie. Et comme le point de vue du spectateur ne se place que du point de vue de son héros, le tout laisse peu de place à la logique et à la rationalité. Comme dans un bon vieux Lynch ou Cronenberg, on n’est jamais certain de ce qui se déroule sous nos yeux. Seule évidence : le spectacle est total, baroque, flippant, grandiose.
Rarement – même si cela devient de plus en plus prégnant sur de nouvelles séries comme American Gods et autres – une série n’avait été autant travaillée esthétiquement : mise en scène géniale, des plans magiques, des séquences accélérées ou ralenties jusqu’à leur limite, c’est un festival de sons et d’images qui emporte le téléspectateur… comédie musicale, thriller psychologique, pensum scientifique, film d’action punchy, drama arty, western urbain high-tech… les producteurs ne se donnent aucun frein, et chacun des huit épisodes contient son lot de vertige sensoriel et théorique. Au risque parfois de perdre les inattentifs ou ceux qui se seraient assoupis devant des passages lents – oui, la série est lente, belle mais lente, elle prend son temps, et on déguste.
Si le dernier épisode délivre en partie les clés d’une intrigue qui va probablement s’épaissir sur une deuxième saison, Legion aura pris le temps, pour ses débuts, d’installer une atmosphère unique, un peu folle et inquiétante, sur un dérivé de comics qui s’affranchit complètement de ce qu’on a pu voir jusque-là dans le genre. Et c’est tant mieux. Accrochez-vous, et savourez.
Jean-françois Lahorgue
Legion – saison 1
Série (US) de Noah Hawley, produite par Bryan Singer
Huit épisodes de 60 mn chacun
Diffusion : FX (Usa) en mars 2017, OCS Max (france) en mai 2017