Deux fois par ans, on vous propose une sélection d’albums de Jazz. Voici donc 15 disques qui ont retenu notre attention au cours de ces 6 derniers mois.
Yaron Herman © Wikimedia Commons
Le jazz, musique d’été par excellence, avec ses rencontres et ses festivals dans le sud de La France. On profitera donc de la saison pour faire un retour sur une quinzaine d‘albums « coup de coeur » parus durant la première moitié de 2017, dans des styles très variés.
Gil Evans Paris Workshop – Spoonful
Homme aux multiples casquettes, mais surtout musicien et grand amateur des musiques de Gil Evans, Laurent Cugny a créé en 2014 le Gil Evans Paris Workshop, un atelier de création musicale, rassemblant de jeunes jazzmen, qui a pour objectif de perpétuer l’œuvre de ce grand musicien de jazz décédé en 1988, connu aussi pour avoir été longtemps l’arrangeur de Miles Davis. Spoonful présente ainsi des variations sur des morceaux créés par Gil Evans ainsi que des titres de Laurent Cugny dans un double CD pour un ensemble extrêmement varié et séduisant qui va bien au-delà du simple hommage ou de l’idée de faire revivre le jazz des années 50, 60 et 70 de Gil Evans.
Jazz & People – mars 2017 – bandcamp
The Volunteered Slaves – Ripcord
Jazz , hip hop, soul, musiques africaines se marient encore à merveille dans ce nouvel album du collectif The Volunteered Slaves. Les voix chaudes masculines et féminines venues du rap et du slam apportent une touche funk dans des compositions pour la plupart très douces, aux sonorités très sucrées. L’ensemble se présente un peu comme une histoire divisée en chapitres comme autant d’étapes d’un voyage aux influences et aux clins d’œil multiples, avec des reprises souvent surprenantes de géants de la pop que sont Pink Floyd, Beach Boys ou The Buggles. Un disque festif, estival, très accessible, au groove imparable.
Cristal Groupe / Pias – avril 2017
Organic Flowers – Botanic Mood
Sur Le pop club / Ave The Sound, on découvre le Jazz de Organic Flowers. Un jazz très swing, très rythmé, au son notamment de l’orgue Hammond et des guitares, dans la plus pure tradition des compositions de Jimmy Smith, Lalo Schifrin ou encore du Gainsbourg des débuts. Bref, un jazz qui nous ramène au cinéma noir et au polar des années 50 et 60. Pas étonnant finalement quand on sait que le trio s’est fait d’abord connaitre en revisitant le répertoire du compositeur de BO inoubliables qu’est Jimmy Smith, avec des films comme Mélodie en Sous-sol ou les Félins avec Alain Delon. Un régal de finesse et de délicatesse à déguster seul ou entre amis.
Le pop club / Ave The Sound – mai 2017 – bandcamp
David Eskenazy Trio – Longing For Gravity
Un piano rapide et virevoltant (celui de Clément Griffault) et une batterie légère (celle de Julien Grégoire) accompagnent la contrebasse de David Eskenazy. Un peu comme chez Dave Brubeck il y a longtemps, ou plus récemment chez Avishai Cohen ou Brad Mehldau, ça flotte, ça tourbillonne, ça laisse une impression de grande légèreté mais aussi de grâce et de souplesse dans un album aux charmes multiples. Au milieu de toutes compositions originales signées David Eskenazy, on trouvera une reprise, comme les aiment tant les musiciens de jazz, celle du tube Papaoutai de Stromae, dans une version à peine reconnaissable mais pleine de liberté et d’une grâce infinie, bien à l’image de cette production très raffinée.
Ophélia – février 2017 – youtube
Jean Roch Waro – Jean Roch Waro
Du swing et du groove il en est encore sérieusement question ici aussi avec ce nouvel album de Jean-Roch Waro. En langue anglaise ou en langue française, le chanteur guitariste Mosellan revisite les styles (rythm & blues, funk, jazz, pop, rock…) avec une certaine énergie, beaucoup d’aisance et de simplicité. Il se dégage de cet album et une forme légèreté, une sincérité un bonheur de jouer très communicatif. De la feel-good music pour petits et grands… à découvrir sur album mais aussi sur scène… ça doit être c’est encore mieux !
avril 2017 – Soundcloud
The Lloyd McNeill Quartet – Asha & Washington Suite
Voici une réédition de qualité à mettre au crédit du label anglais Soul Jazz Records qui vient de ressortir deux albums du groupe de jazz The Lloyd McNeill Quartet : Asha (1969) et Washington Suite (1970). Lloyd McNeill est un artiste afro-américain né en 1935 à Washington, activiste de la cause noire dans les années 60 aux États-Unis, qui a côtoyé Eric Dolphy, Nina Simone ou Picasso. Ces deux albums sont dominés par la présence du duo flûte-piano, avec des influences brésiliennes et psychédéliques. Une production 70’s absolument délicieuse. Deux bijoux à ne surtout pas manquer !
Soul Jazz Records – 2017 – Youtube
Julien Vinçonneau Quartet – A Close Land and People
Encore une très jolie découverte de 2017 en matière de jazz que ce A Close Land and People. Un disque qui s’ouvre à divers courants et notamment au rock avec cette étonnante reprise de Nirvana sur le titre Milk it . Dans l’ensemble, le Nantais Julien Vinçonneau et son quartet nous offrent surtout un jazz très remunant où chaque titre est marqué par une influence différente (Jazz rock, Miles Davis, Musique orientale…) et où la guitare s’entend à merveille avec les cuivres, la contrebasse et la batterie dans un ensemble, on le répète, très varié, très chaleureux.
Aloya Music – 2017 – soundcloud
Thomas de Pourquery – Sons of Love
Toujours inspiré par le maître Sun Ra (dont il a signé un album de reprises en 2014) et dont l’âme plane encore sur cet album, le saxophoniste au look plus que jamais impressionnant, Thomas de Pourquery, accompagné là encore de son Supersonic, présente ici un disque tout en contrastes, entre morceaux tranquilles, aux relents parfois pop/rock, et envolées furieuses et psychédéliques dignes du meilleur Sun Ra sur des titres comme Sons of Love ou Get The Money Back. A mi-parcours, on peut déjà dire que cet album fait partie des plus belles réussites en matière de jazz pour cette année 2017.
Label Bleu / L’Autre Distribution – mars 2017- soundcloud
Loopolabo – Boîte d’allumettes
Échappé de son groupe Luminocolor, Loopolabo dévoile en solo un premier album très surprenant et bougrement séduisant. Si le jazz semble être la base musicale de Loopolabo, on se rendra très vite compte que les compositions du Lillois vont bien au-delà de cette étiquette, avec des influences à aller chercher du côté de la musique africaine comme du post-rock de Chicago, en passant par la folk music. Loopolabo convoque au passage les fantômes de Moondog ou encore du saxophoniste de jazz éthiopien Getatchew Mekurya, avec, comme eux, cette envie de sortir du cadre et de proposer des musiques aventureuses. Une pépite de musique souterraine à découvrir illico !
Laybell – mars 2017 – bandcamp
Blazin’ Quartet – La mer, la pierre, la terre, l’oiseau
Encore une invitation au voyage avec le Blazin’ Quartet (Trompette, saxophone, contrebasse, batterie). Conduit le musicien (ici batteur) serbe Srdjan Ivanovic, ce projet, qui accueille également le guitariste italien Federico Casagrande et le bassiste Marc Buronfosse, nous invite à travers ces 10 titres à nous plonger dans la mémoire de celui qui, alors qu’il était enfant, a fui la guerre en compagnie de son père lui aussi musicien. Dans des musiques nourries de philosophie et d’influences orientales (on pense parfois à Ibrahim Maalouf), le Blazin’ Quartet monte une palette musicale très riche et signe là un album plein de mélancolie et d’une belle sensibilité.
Coolabel / Absilone – mai 2017 – bandcamp
Electric Vocuhila – Kombino Splinto
C’est sans doute l’album le plus rythmée et le plus surprenant de cette sélection. Il est signé du quartet Electric Vocuhila créé à Berlin en 2009 et rattaché au Capsul Collectif, basé à Tours. Leur particularité est de proposer un jazz dominé par les musiques urbaines africaines. Une conception du jazz qui se rapproche de la musique harmolodique d’Ornette Coleman. On y entendra des motifs qui se répètent librement autour d’improvisations et des bases rythmiques soutenues. Tout ça donne un album très chaleureux, à la fois hypnotique et dansant.
Capsul Records / L’Autre Distribution – juin 2017 – soundcloud
Ahmad Jamal – Marseille
Le pianiste New-Yorkais Ahmad Jamal en quarter (piano, contrebasse, percussions, batterie) rend hommage à la capitale du Sud sur un album où le titre phare (Marseille) est repris sur trois variations différentes dont deux portées par les voix d’Abd Al Malik et Mina Agossi. Pour le reste, c’est un sans faute dans une production bien à l’image de cette ville, aux contrastes saisissants, entre groove et mélancolie, entre titres crépusculaires et musiques aux influences sud-américaines ou africaines. On y trouvera même une reprise des Feuilles Mortes de Prévert et Kosma ainsi que le standard Soul tant de fois repris, Sometimes I feel like a motherless child.
Jazz Village / PIAS – Juin 2017 – spotify
Yaron Herman – Y
Le pianiste franco-israélien repéré notamment il y a quelques années pour ses reprises de standards de la pop revient avec un album, le premier de sa discographie, où s’invitent les voix, celle de Mathieu Chédid / M ou de Hugh Coltman. Mais n’allez pas croire que Y est un disque de jazz vocal. Le piano tient ici toujours une place centrale, virevoltant et se déclinant sur des tonalités changeantes (electro, pop, jazz-rock, musique répétitive…) avec une souplesse et une énergie remarquable, avec toujours ce sens de l’improvisation, du rythme et du swing qui rendent l’écoute toujours facile et bien agréable.
Blue Note – mars 2017 – Spotify
Hampshire & Foat – Galaxies Like Grains of Sand
Attention trésor caché ! Il est signé du pianiste de jazz britannique Greg Foat et du multi-instrumentiste Warren Hampshire (membre du groupe pop The Bees). Ensemble, ils ont créé une œuvre d’une grande mélancolie dont certaines ambiances crépusculaires ne sont pas sans évoquer par moment celles du Bohren & der Club of Gore. De l’ambient jazz chill, superbement orchestré autour du piano Rhodes avec cuivres et cordes dans un ensemble qui renvoie surtout et plus directement aux BO de Miles Davis ou à celles du Ennio Morricone des années 60/70, mais également à la library music de la même époque… avec en plus par moment une petite touche Californienne. Un délice !
Anthens Of The North – mai 2017 – Bandcamp
Christian Scott – Ruler Rebel
Dans Ruler Rebel, il y a du beat hip-hop, des sonorités électroniques, mais il y a aussi beaucoup de jazz et surtout de la flûte et de la trompette, celle de Christian Scott qui tient ici une place centrale. Un album qui sera en tout cas l’occasion de découvrir l’univers de ce musicien américain originaire de La Nouvelle Orléans. Un univers riches et passionnant, pétri d’influences et qui nous rappellera à bien des égards celui de Miles Davis. A noter que Ruler Rebel est le premier volet d’une trilogie imaginée à l’occasion de la célébration des 100 ans du jazz.
Ropeadope – mars 2017 – bandcamp