À l’occasion de la sortie de son dernier long-métrage Song to Song, revenons sur le dernier né de l’usine métaphysique « malickienne ».
Voyage of Time n’est pas vraiment un documentaire, sans toutefois être un long-métrage. Il se situe entre les deux, dans une dissection lente et contemplative de l’infiniment grand et l’infiniment petit.
Au cours de ces dernières années, riche en propositions, T. Malick a radicalisé son approche du septième art. Ses obsessions d’antan ont surgi des ténèbres de la création pour modeler une nouvelle hypothèse cinéma. La narration s’en est trouvée réduite au spectre de l’image, laissant aux dialogues une place secondaire, le trait d’une main subordonnée qui souligne la vacuité de l’Homme ou au contraire qui court après un état transcendantal. Que l’on aime ou pas cette nouvelle approche qui cherche sa transcendance dans les questionnements philosophiques et une expérimentation du Beau, force est de constater que T. Malick façonne année après année une nouvelle proposition de cinéma. Qu’en est-il alors de son essai documentaire ?
Aidé de la sublime voix off d’une Cate Blanchett capable d’illuminer tout ce qu’elle touche (y compris le vide grandissant de l’écran), Voyage of Time tente de mettre en image, à grand renfort d’images de synthèses, les questionnements de l’Humanité. Ainsi passe-t-on du gigantisme d’une supernova à l’œil ocre d’un lézard. L’infiniment petit est le lieu de l’éclosion de la vie, de son premier frémissement. L’eau et le feu, en sont ses témoins. Pendant près de 1h30 s’enchainent des visions, réelles ou imaginaires, naturelles ou civilisées, tant que le Beau domine dans sa capacité à créer la vie. Seule l’existence humaine se voit pourvue d’une image altérée, déformée, corrompue. T. Malick idole une nouvelle fois l’entité nature, mais délaisse l’identité humaine.
C’est là tout le problème de Voyage of Time. Aussi vide que l’immensité qu’il nous montre, T. Malick ennuie par l’absence de raisonnement intrinsèque à son format. Laissant de côté ce qui fait pourtant la réussite de ses longs-métrages, soit l’équilibre fragile entre l’entité nature et l’identité Homme, il semble donner raison à tous ses détracteurs. Au crépuscule de ses tentations, il délaisse l’Humain, et tombe dans sa face obscure où l’attend sa némésis : « la bobotisation ». Il accouche alors, dans l’affliction la plus totale, d’un assemblage d’images (belles certes, mais d’un vide sidéral) indigne de lui.
Une question nous taraude alors : est-ce que Voyage of Time est une réelle proposition de cinéma ? Il est permis d’en douter. Reste donc l’attente et l’espoir d’un équilibre retrouvé dans son prochain long-métrage.
Mathieu Le Bihan
Voyage of Time
Documentaire américain réalisé par Terrence Malick
Avec Cate Blanchett
Genre : Documentaire
Durée : 1h30
Date de sortie : séance « unique » le 04/05/2017 et le 29/06/2017