Avec ce biopic fadasse censé honorer le maître du gay porn art, Dome Karukoski est resté dans des sentiers bien balisés. Tom of Finland, c’est l’hommage sans l’esprit.
Ce film retrace la vie du dessinateur finlandais Touko Valio Laaksonen, plus connu sous le pseudonyme Tom of Finland. Soldat héroïque de la seconde guerre mondiale, il a débuté sa carrière à Helsinki en tant que graphiste pour une agence de publicité. Contraint de vivre son homosexualité dans la clandestinité, il passait son temps libre à dessiner des mâles virils à la plastique saillante et à la braguette proéminente, d’où émergeait très souvent un chibre surdimensionné et conquérant. Motards, marins, policiers, militaires, tout ce qui portait l’uniforme et la moustache avait ses préférences… Sollicité à la fin des années cinquante par un éditeur de San Francisco, il finit par connaître un certain succès avec Kake, sa mascotte « encuirée », et contribua à sa manière à l’affirmation du mouvement gay.
Le prince de l’art porno gay méritait mieux que ce biopic insipide. Lui qui déclarait malicieusement : « Mon patron, c’est ma bite. Si je bande, je sais que mon dessin est réussi », on peut réellement se demander s’il aurait adhéré à ce long métrage plus romancé qu’émoustillant. L’auteur du film, Dome Karukoski, ne semble pas s’être posé cette question, tant s’en faut. En fait, l’hommage est tellement sage qu’on pourrait croire que les ligues de vertu s’en sont mêlées, obligeant le réalisateur à placer une capote sur l’objectif. Mais cela serait pardonner un peu facilement à ce dernier que de penser cela, car bien évidemment, c’est aussi une question de talent…
Au bout d’un quart d’heure à peine, l’ennui gagne. Certes, l’image est léchée et semble conçue pour séduire un très grand public. Malheureusement, Karukoski filme sa bio en mode pépère, soucieux de respecter l’homme et la vérité historique sans doute, mais sans réelle trouvaille pour marquer les esprits et surtout sans nous épargner quelques longueurs. Hormis le fait que la narration est des plus académiques, les dialogues sont convenus, et les comédiens désincarnés ont presque l’air de s’ennuyer en les récitant, probablement aussi parce que la direction d’acteurs semble inexistante.
Après une heure laborieuse de période finlandaise d’après-guerre – où l’on voit que vivre son homosexualité en Finlande comportait quelques risques, un peu comme partout ailleurs en fait – on est heureux de voir pointer les sixties américaines où la libéralisation des mœurs prenait son envol… Mais une fois encore, il faudra calmer ses ardeurs. Même dans cet éden gay qu’était San Francisco, la caméra évite soigneusement de lorgner sous les slips des mâles. Aucune scène n’est dérangeante, Frisco est vu comme une sorte de parc d’attractions où les pin-up boys en maillot de bain fluo sont glabres, tels des vierges épilées, où les sexes sont énormes certes, mais rose bonbon et gonflables pour pouvoir faire mumuse dans les piscines bleu azur de la West Coast… Les seules images de nature à choquer les boutinistes les plus frustrés sont les dessins de Laaksonen, et encore, ils ne sont filmés qu’à la dérobée… Enfin, on est presque soulagé lorsqu’arrivent les années SIDA, car on se dit qu’il est temps d’en finir…
Fort d’un certain succès critique pour sa comédie Very Cold Trip, Karukoski aurait pu se permettre de jouer dans ce même registre, mais les quelques blagounettes parsemant l’histoire ne risquent pas de provoquer de crampes des zygomatiques – la scène où l’artiste, venu rendre visite à son petit ami hospitalisé, lui offre un lapin blanc qui se fait la malle (et non le mâle) avant de gambader à travers la chambre pourra au mieux amuser les enfants. J’ai bien dit les enfants, car le film a en outre réussi à échapper à toute censure, ne bénéficiant même pas du coup de pub minimum qu’aurait été une interdiction aux moins de 12 ans, c’est dire… Mais il n’est pas impossible que les sirènes hollywoodiennes y soient pour quelque chose…
Ce n’est pas que ce soit vraiment mauvais, non, juste un peu chiant. Sobre, diront certains… les plus polis sans doute. Pourtant, il faut le dire même si c’est un crève-cœur, ce Tom of Finland-là manque singulièrement de couilles, pardon my French. Ici, aucune prise de risque. La lisse réalité de marketing de notre époque, d’une coolitude de façade, semble avoir pris le pas sur celle des late sixties où soufflait un vent frais de révolte contre le conformisme rance du monde ancien… Dire d’un film évoquant Tom of Finland qu’il manque de relief (ça marche aussi avec « profondeur »), est tout de même un comble…
Laurent Proudhon
Tom of Finland
Film finlandais réalisé par Dome Karukoski
Avec Pekka Strang, Lauri Tilkanen, Jessica Grabowsky…
Genre : Biopic, Drame
Durée : 1h56
Date de sortie : 19 juillet 2017