Vivre dans une cage dorée avec graines à volonté, ou en liberté frugale dans un nid instable ?… C’est la question à laquelle nous confronte l’auteur dans cette œuvre semi-autobiographique.
Après cinq années de chômage, Jean s’apprête à travailler en tant qu’ingénieur Arts et métiers grâce au pistonnage d’un ancien camarade. L’ancien Gadz’Arts est-il vraiment fait pour le job ? Va-t-il choisir de « rentrer dans le moule », au risque de voir partir sa compagne Clara, enceinte de leur premier enfant et très rétive à la perspective d’un père absent, trop accaparé par son travail ?
Rentre dans le moule est une BD autobiographique qui n’est pas présentée comme telle. Pourtant, c’est bien de lui-même et de sa jeunesse dont parle cet auteur au pseudonyme étrange. Il décrit comment les structures éducatives, celle des grandes écoles en particulier, servent aussi à formater les esprits. Prenant l’exemple des Arts et métiers dont il est lui-même issu, il nous fait pénétrer un univers déroutant et extrêmement codifié avec un langage propre, à la fois détestable et fascinant, où tout est fait pour intimider le jeune élève, selon des rites relevant d’un bizutage « bon teint »… Et gare à celui qui ne jouera pas le jeu… Quelques années plus tard, l’élève en apparence docile a trouvé son âme sœur mais pas de travail… c’est en retrouvant son ancien camarade qu’il va être confronté à un choix cornélien : conserver sa liberté dans une certaine précarité ou s’investir corps et âme dans un job d’ingénieur pas forcément épanouissant… A vrai dire, le seul point gênant de l’histoire réside dans cette « liberté », qui ne permet pas d’affirmer qu’il s’agit d’une autobiographie, dans la mesure où on ne sait jamais quelle était la réelle activité du héros avant de trouver ce travail, ni quels étaient ses objectifs, même si on peut supposer qu’il dessinait et tentait d’en vivre…
Néanmoins, ce récit aux dehors humoristiques interpelle sans en avoir l’air chacun d’entre nous sur ses choix de vie, et souligne l’importance de ne pas se voir imposer par quiconque une voie ne correspondant pas à ses désirs propres. Le dessin simple et rond apporte ce qu’il faut de légèreté au propos. On ne se paye pas des barres de rire, mais ce n’est pas le but premier de l’auteur qui semble plutôt avoir opté pour un mode narratif s’apparentant au témoignage introspectif. Le tout est traité de façon originale à coup de flashbacks et de digressions métaphoriques.
Rentre dans le moule est la troisième bande dessinée du Cil vert, auteur sensibilisé à la cause écologique via notamment ses illustrations dans Kaizen, le magazine porté par l’association Colibris et son fondateur Pierre Rabhi. La lecture idéale pour la rentrée qui approche !
Laurent Proudhon
Rentre dans le moule
Scénario & dessin : Le Cil vert
Editeur : Delcourt
Collection : Shampooing
128 pages – 15,50 €
Parution : 27 septembre 2017
Rentre dans le moule – Le Cil vert – Extrait :
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