Dans son premier roman, Marion Messina raconte l’échec d’une société qui condamne toute une génération à mener une existence précaire, soumise au bon vouloir des puissants.
Marion Messina raconte dans ce roman l’histoire d’Aurélie, une histoire qui pourrait être un peu la sienne si on en croit la notice biographique. L’histoire d’une jeune fille suffisamment douée pour réussir au moins deux concours d’entrée dans des écoles prestigieuses mais qui ne peut s’y inscrire parce que ses parents n’ont pas les moyens de financer un logement dans une grande ville éloignée de leur domicile. Alors, Aurélie s’inscrit, comme la plupart des étudiants, dans une faculté où elle s’ennuie bien vite, elle est seule, elle ne connaît personne, elle habite toujours chez ses parents. Ses études deviennent vite une préoccupation secondaire, elle veut donner un sens à sa vie, rompre avec celle de ses parents, puérile, besogneuse, sans relief et sans ambition. Elle accepte un petit boulot pour gagner un peu d’argent et prendre son indépendance.
Pendant ses heures de travail, elle rencontre un émigré colombien arrivé un peu par hasard à Grenoble où elle suit ses cours, à proximité du domicile de ses parents. Alejandro, le jeune colombien, est aussi seul qu’elle, les diplômes qu’il obtient ne lui ouvrent aucune porte, il empile les petits boulots pour subsister en France et surtout ne pas être obligé de rentrer dans son pays. Avec lui, Aurélie découvre l’amour et le plaisir mais Alejandro ne veut pas s’attacher définitivement à une femme, il veut rester libre de son destin et finit par partir seul la laissant sans avenir dans une ville qu’elle ne supporte plus. Elle prend alors une grande décision, elle part pour Paris où elle compte bien trouver un emploi stable et une situation tout aussi stable avec un homme qui saurait l’aimer.
Mais Paris est une ville féroce qui dévore ceux qui ne la connaissent pas, elle trouve bien un emploi mais encore un boulot peu stable, mal payé et surtout peu valorisant, sans possibilité de promotion. Elle découvre alors toute la puérilité du monde du travail où derrière les belles façades et les belles tenues, règne souvent une réelle misère, une nouvelle forme de misère, la misère dorée. Un séjour dans une auberge de jeunesse miteuse, un bout de chemin avec un cadre divorcé bien payé mais ennuyeux, la conforte dans son idée : elle n’a aucun avenir dans la capitale où elle n’a rencontré qu’un seul ami, un livreur de pizzas, qui l’incite à quitter cette ville et cette vie. « Cette vie rend con. Regarde-toi. Tu es belle, intelligente, tu es payée pour perdre ton temps dans des halls d’accueil. Tu gâches ton énergie, tu vas passer à côté de ta jeunesse dans cette ville de merde. »
Marion Messina semble bien connaître cette vie de galère où ceux qui ont décroché, découragé par des études sans perspectives, croisent ceux qui ont réussi et tremblent tous les jours devant le pouvoir d’un supérieur souvent incompétent qui passe le plus clair de son temps à terroriser ses sous-fifres pour sauver sa propre peau. Pour elle, il y a bien peu d’espoir dans cette vie où des employés sur-diplômés n’arrivent pas à gagner leur vie au service de cadres supérieurs de l’administration ou des entreprises pas plus compétents que cultivés. Elle dénonce aussi les errements de l’Education nationale incapable de s’adapter aux nouveaux besoins de la population, la tyrannie de la société de consommation, l’exploitation de la grande finance et toutes les tares de notre société qui incitent les citoyens découragés à rester debout et à se mettre en marche même si cela risque de ne pas changer beaucoup les choses.
Le bonheur serait-il là où l’auteure semble l’avoir cherché en validant un BTS agricole : dans le pré ?
Denis Billamboz
Faux départ
Roman Français de Marion Messina
Editions Le Dilettante
3224 pages – 17€
Parution : 23 août 2017
Un sujet d’actualité il est vrai que le bonheur n’est pas toujours où on l’attend…