Nous étions nombreux à nous sentir orphelins de Lapinot, personnage emblématique de la BD franco-belge moderne… mais tout a une fin, même la mort, apparemment !
Un bon héros est un héros mort. Et ressuscité bien sûr. Ou bien encore vivant dans un monde parallèle, aussi. En fait tout cela n’est pas très grave… D’ailleurs Lewis Trondheim, qui avait mis cruellement fin en 2004 à la vie de l’un des héros de BD qui nous était devenu le plus cher depuis sa tonitruante apparition dans les Carottes de Patagonie (1992), expédie toute justification de sa résurrection en deux lignes de dialogues. Avant de reprendre, comme si de rien n’était, les Aventures de Lapinot, plus ou moins là où on en était resté… il y a 13 ans quand même.
Et en 13 ans, beaucoup de choses ont changé dans notre monde, qui est souvent – mais pas toujours – le même monde que celui de Lapinot, si vous me suivez… Et pas forcément en bien : on a les terroristes islamistes, on a la peur généralisée, on a les applications de rencontres, on a une société de plus en plus mercantile et ignoble (un petit bonjour ici aux laboratoires pharmaceutiques !). Et en plus, comme si ça ne suffisait pas, Nadia a largué Lapinot, et du coup elle a révélé sa véritable personnalité, pas jolie, jolie. Et Thierry a chopé le cancer. Bon, heureusement, Richard est toujours aussi débile, il y a des choses qui ne sauraient changer…
Bref, tout cela donne un scénario roboratif, complexe même, qui fait que Un monde un peu meilleur passe très vite d’un gag absurde à une critique virulente des médias (comme des anti-médias, pas de jaloux !). Trop vite, de l’avis de certains lecteurs un peu déçus ? Pas forcément, si l’on admet qu’en 2017, on zappe beaucoup, on ne s’éternise plus sur un drame ni sur une vanne : Lapinot et ses amis sont juste un peu, beaucoup, comme nous. L’important, c’est quand même que l’on rit beaucoup, beaucoup, au cours de la lecture de ces 45 pages qui s’avèrent presque parfaites : l’humour de Trondheim a retrouvé son efficacité décalée – alors que son travail récent pouvait nous faire craindre un peu d’usure – et son dessin reste toujours aussi magnifique, aussi faussement simple que dramatiquement juste.
Alors, regardons la vie du bon côté : il y a quand même une bonne nouvelle dans Un monde un peu meilleur c’est que l’on peut revenir d’entre les morts en pleine forme… mais quand même, n’essayez pas ça chez vous…
Eric Debarnot
Lewis Trondheim – Un monde un peu meilleur
Editeur : L’Association / Collection 48CC
48 pages – 13€
Sortie : 22 août 2017