Depuis le film-étalon sur le sujet « Les Copains d’abord » de Lawrence Kasdan dans les années 70, ou « Friends » pour la télé des 90’s, tout a été fait et dit sur les retrouvailles de potes et l’amitié. Cette nouvelle était-elle indispensable ? Pas du tout, et on vous explique pourquoi.
« Tiens, et si on faisait une série sur d’anciens potes de fac qui se revoient 20 ans après et en faire une chronique de l’amitié et de la crise de la quarantaine ?
– T’es sûr ? ça fait pas déjà vu ?
– Mais non, arrête…ça marche tout le temps ce type de série, regarde Friends
– Oui, mais bon… faudrait être un peu original, non ?
– Mouais… on va mettre des blagues un peu cul, ça passera »
Et bien, non, cela ne passe pas cette fois-ci. La série Netflix débarquée cet été, que j’imaginais assez cool et fraîche pour égayer des soirées de retours de vacances un peu tristounes, se révèle au final ratée et même agaçante – ou alors le concept est poussé à un extrême qui m’a échappé : tous les personnages sont détestables.
Pour faire rapide : à l’occasion du retour de deux potes de fac à New York, une fine équipe se retrouve, tous autour de la quarantaine, et décide de passer à nouveau quelques moments potaches ensemble. Ils pensent ne pas avoir changé, toujours de grands ados qui rient à leurs propres blagues ou passent une nuit blanche à déconner et picoler. Ils ont pourtant changé : mariés, divorcés, en couple, enfants, pas enfants, désirs d’enfants, carrière brillante, rêves brisés, vie monotone et rangée vs. vie bohème à coucher à droite à gauche : leurs parcours s’avèrent différents, et le constat tombe vite, amer, qu’ils n’ont plus grand chose en commun, à part se marrer pour rien, comme des gamins.
Des gamins gâtés pourris, surtout. Et c’est là que le bât blesse d’entrée : encore une fois, on prend une loupe sur une frange très aisée de New-Yorkais dont les rares problèmes sont de gérer au mieux leur vie quand on est pété de thune – mais qu’on trouve qu’on s’ennuie quand même un peu. Encore une fois, la radiographie très orientée de la bourgeoisie urbaine n’apporte rien de neuf. Au contraire, les clichés s’amoncellent, et rien ne semble un tant soit peu décoller de la routine des séries de la Grosse Pomme et les soucis existentiels de ses habitants.
Une liaison adultère, démarrée dès l’Université mais qui perdure malgré des mariages, semble être le mince fil rouge des ces huit épisodes qui réunit ce clan immature et dont nous sommes, à l’instar des rares conjoints pièces rapportées, les observateurs distants : quelques moments drôles au milieu de scènes soit vulgaires, soit ennuyeuses et parfois peu crédibles. Mais le principal problème demeure les personnages (pourtant finement joués par des acteurs rompus à l’exercice des séries) : ils sont tous individualistes, égoïstes, méchants sans forcément vouloir l’être, et donc détestables. Ce qui fait de Friends from College, il me semble, une des premières séries à ne proposer aucun personnage sympathique ou du moins auquel on peut aisément s’identifier…C’est d’autant plus dommage qu’on s’attend jusqu’à la fin à ce que le réalisateur propose une réflexion, même métaphorique, sur leurs agissements, avec (ou pas) une remise en question ou du moins des évolutions de personnages au cours de la saison. Trop peu, ou si peu.
In fine, ces Amis D’université (le titre français qui devrait être choisi) ne s’aiment pas. Ils se sont trouvés, ils se retrouvent, mais au fond n’ont jamais été vraiment des amis. Triste constat, triste série aussi, à moins que le concept d’une série qui nous fasse détester ses personnages soit avant-gardiste. Dans ce cas-là, Friends From College est vertigineux. Réponse dans la (probable) deuxième saison ?
Jean-françois Lahorgue
Friends from college
Série (US) créée par Nicholas Stoller et Francesca Delbanco
Huit épisodes de 30 mn chacun
Avec Keegan-Michael Kay, Cobie Smulders, Annie Parisse
Diffusion : Netflix (juillet 2017)