L’Homme De Miel – Olivier Martinelli

L’Homme De Miel porte bien son nom, il colle aux pattes, tu ne t’en défais pas comme ça. Olivier Martinelli éclabousse de vie et de classe la rentrée littéraire.

L'Homme De Miel, Olivier Martinelli
Photo © Jean-Luc Bertin

C’est l’histoire d’un type qu’est sur le pont de l’Alma et y’a un fou qu’arrive et qui lui dit accroche-toi au pinceau j’enlève l’échelle… non je déconne… quoique finalement pas tant que ça. C’est l’histoire d’un type qui apprend qu’il souffre d’une saloperie nommée Myélome… pour ne pas tourner autour du pot… donc… d’un cancer de la moelle osseuse. Ceci posé sur la commode, on peut se dire que L’Homme De Miel n’est pas un bouquin à t’illuminer un ciel pré-automnal déjà bien plombé. C’est sans compter sur le talent et la puissance d’écriture d’Olivier Martinelli dont nous suivons avec attention le travail depuis La Nuit Ne Dure Pas paru aux défuntes éditions 13eme Note en 2011. (Petit chef-d’œuvre aujourd’hui introuvable qu’une quelconque maison serait bien avisée de ressortir avant qu’il ne devienne une légende urbaine… bordel !)

L'Homme De Miel, Olivier Martinelli, Christophe Lucquin ÉditeurL’Homme De Miel est un roman, ce n’est pas écrit sous le titre, mais il est présenté comme tel. Manière subtile de coller un pare-brise ou un pare-choc entre le réel et la fiction, de changer un témoignage qui pour beaucoup serait trop lourd en un récit-recueil poétique, par moment surréaliste, jamais sarcastique ou mauvais, émouvant et drôle. Les 49 mini-nouvelles qui le composent, classées en gros par ordre chronologique, te font accompagner Olivier (qui a pris le parti de ne pas se cacher derrière un narrateur fictif) dans le quotidien de ses introspections, de ses relations familiales et professionnelles, dans sa nouvelle odyssée médicale et paramédicale. Il observe un monde nouveau, un univers parallèle, de son œil rieur, de son œil scalpel et millimétrique d’écrivain-prof de maths et transforme une vie que beaucoup ne considéreraient que comme un tunnel sombre, interminable et fort potentiellement muré à l’autre extrémité en une histoire de super-héros.

Il y a ce passage dans Demande À la Poussière de John Fante (idole notoire de Martinelli avec Daniel Darc, le Velvet Underground et les Jesus & Mary Chain), celui où Arturo Bandini manque de se noyer dans les vagues du pacifique à cause de cette coquine de Camillia Lopez :

« Alors comme ça c’était la fin de Camillia, et la fin d’Arturo Bandini – mais le plus beau c’est que même à ce moment précis, là au fond de l’eau à m’écorcher contre le sable dur, j’étais en train d’écrire tout ça, je voyais ça noir sur blanc sur la page dans la machine à écrire – tellement j’étais certain de ne pas pouvoir m’en tirer sauf. Et puis tout d’un coup je me suis retrouvé avec de l’eau jusqu’à la taille seulement ; j’étais bien trop crevé pour essayer d’en profiter et je me laissais bringuebaler dans l’eau, flottant sans volonté aucune mais l’esprit parfaitement clair, à composer tout le passage. Je me souciais seulement d’éviter les adjectifs excessifs. »

Cet extrait – sauf erreur de ma part – décrit parfaitement l’écriture impérative, spontanée et viscérale d’Olivier Martinelli suspendu à elle comme un alpiniste à sa corde de rappel ou un sauteur à son élastique. Il écrit comme ça, sans se plaindre, sans pleurer inutilement sur un sort qui n’en a rien à foutre ni de lui ni d’être arrosé par ses larmes.Le sort n’aime pas le sel. L’écriture comme nécessité, l’écriture comme vie, c’est tout !

L’Homme De Miel est un livre qui finit bien parce qu’il ne peut pas en être autrement, parce que Arturo ressort toujours de l’eau… lecture après lecture. C’est un livre qui, sans nunucherie aucune ni morale à la con, fait vaciller pas mal de préjugés et donne une sacrée soif de vivre. C’est un livre sur un sujet dur assez rarement traité en littérature – en tout cas sous cette forme – écrit sans papier d’emballage avec beaucoup d’habilité et de tripes. C’est un livre rédigé à l’instinct, au coup par coup, et paradoxe allemand – petit clin d’œil à Olivier Martinelli en souvenir d’un certain soir du 8 juillet 1982 à Séville –  c’est un livre d’une unité implacable. C’est un livre dont toi par contre tu ne sors pas indemne… dans le bon sens du terme.

Stéphane Monnot

L’Homme De Miel
Roman Français d’Olivier Martinelli
Editeur : Christophe Lucquin Editeur
143 pages – 19€
Parution : 24 août 2017