Courtney Barnett et Kurt Vile furent tous deux nos héros en 2015. Les voici réunis en 2017 pour un album à deux voix. La magie opère, mais le résultat n’a-t-il pas un goût un peu trop sucré pour nos palais ?
Souvenez-vous : « Collaborations don’t work » affirmaient en 2014 Franz Ferdinand et Sparks avant de prouver avec FFS que, si, il y a bien des collaborations entre artistes qui peuvent fonctionner ! Cette année, ce sont nos deux idoles grunge / indie Kurt Vile et Courtney Barnett qui s’y collent, et, à l’écoute – immédiatement plaisante – de Lotta Sea Lice, on aurait presque envie de dire qu’il s’agit là d’un « marriage made in heaven » !
C’est que Barnett et Vile apparaissent tellement sur la même longueur d’ondes que l’album semble l’œuvre d’un véritable groupe : au-delà de l’écriture « collaborative », on y trouve deux reprises « réciproques » de morceaux antérieurs – Peepin’ Tom de Kurt et Outta the Woodwork de Courtney – qui démontrent, par-delà le respect évident entre les deux artistes, la logique absolue de ce nouveau duo, aussi bien stylistiquement qu’au niveau de l’inspiration. Prenez par exemple ce : « You got to let it go, before it takes you over » (Let It Go). On y retrouve toute une philosophie de recul, voire de renoncement à la folie du monde, qui ne nous surprendra pas de la part de ces artistes clairement engagés dans un certain désengagement.
La conjugaison des deux guitares électriques et des deux voix, alternativement narquoises et épuisées, se révèle enchanteresse, et Lotta Sea Lice a le charme d’un album terriblement intime. Ou plutôt d’un album qui nous donne l’impression d’être les témoins privilégiés de l’intimité d’un joli petit couple… amoureux ?
On réalise toutefois la limite de l’exercice : Lotta Sea Lice manque de mélodies accrocheuses, Fear is Like a Forest étant sans doute la seule exception notable), ainsi que de passages plus intenses (le « She’s So Easy » final de Outta the Woodwork fonctionne, mais il renvoie clairement au style de Courtney elle-même). Finalement, même si l’on pourra sans difficulté le ranger dans la liste désormais bien fournie des dignes héritiers du troisième album du Velvet Underground, Lotta Sea Lice tombe dans le travers de l’album « mignon », qui nous ravit mais manque d’aspérités, à la différence du premier album de Courtney qui nous avait au contraire séduit par une certaine rudesse.
Faut-il pour autant souhaiter la fin de cette jolie histoire ?
Eric Debarnot
Courtney Barnett & Kurt Vile – Lotta Sea Lice
Label : Marathon Artists / [PIAS]
Sortie 13 octobre 2017