Il y a les carrières qui se font dans l’urgence et qui parfois se brûlent les ailes et puis il y a les autres, celles qui prennent lentement leur temps. Will Samson est de cette seconde catégorie et signe avec Welcome Oxygen un superbe ouvrage de sensibilité.
Credit photo : Sebastian Urzendowsky
Qu’on le veuille ou non, on classe les artistes par catégorie. Les grands, les intouchables… Bowie, Cohen, Waits et quelques vivants, Cave et d’autres. Les confirmés, Radiohead. Les regrettés, REM. Ceux en devenir, les premières divisions et les secondes, le haut du panier et forcément le bas. Bien sûr, la musique n’est pas du sport ni une compétition mais nous sommes bêtement humains, on n’y peut rien. Il nous faut catégoriser. Pas d’obsession du classement mais un besoin de prioriser plutôt.
Avec Will Samson et ce qui ressemble désormais à une œuvre, avouons-le, jusqu’à présent, on ne posait sur sa musique qu’une écoute distraite, pour ne pas dire polie. L’avis n’était pas fait ni tranché. Avec Welcome Oxygen, les cartes sont redistribuées. Assurément c’est à un choc que vous vous préparez alors que vous entrez dans ce disque. Naviguant à vue entre électronique et folk irradiant, l’anglais redéfinit sa musique à grands coups d’entrechats d’ équilibriste. Le long des huit titres, on est saisi d’un frisson délicieux et Welcome Oxygen ne sonne jamais comme un énième cliché de Folktronica. Il va bien au-delà de cela, on y croise un mysticisme chuchotée, une mélancolie du voyageur. On pourrait rapprocher le monsieur de Nick Drake, de Crescent ou encore de la magnificence du Sapphie de Richard Youngs mais ce serait sans doute en deçà de que vous y trouverez. Assurément, l’anglais a fureté dans les disques de Labradford ou de Pan American pour ce même goût pour un minimalisme introspectif.
Il sera difficile de résister à la beauté d’un titre comme celui qui donne son nom à l’album. Il se dégage de ces huit titres une profonde cohérence, comme un ensemble divinement ajusté. Old Roots par exemple ramènera à la mémoire les premiers Richard Hawley mais avec ce petit plus, cette addition singulière de Will Samson.
L’anglais chante les fantômes et la torpeur. Une torpeur qui tutoie la monotonie dans ce qu’elle a de bienfaisante, la délicatesse dans ce qu’elle de plus fragile. L’onirisme pastorale d’un Mickey Newbury ou le cristal fendu d’un Evening Hymns.
Sans doute que cette étrange sensation d’exotisme qui se dégage de Welcome Oxygen provient-elle de la composition des titres au retour d’un séjour au Portugal. On y entend parfois les résonances de romances langoureuses susurrées à la tombée de la nuit dans les ruelles de Porto. Il suffit pour s’en convaincre d’entendre O Medo, sublime Modinha en clair-obscur.
Avec Welcome Oxygen, Will Samson offre son disque le plus immédiat mais aussi le plus beau et le plus rayonnant et prouve après Raoul Vignal toute la pertinence d’un label comme Talitres. Will Samson, lui, y gagne une place bien à lui, hors-catégorie.
Greg Bod
Will Samson – Welcome Oxygen
Label : Talitres
Sortie le : 8 septembre 2017