Après Requiem For Hell sorti avec son groupe Mono, Takaakira ‘Taka’ Goto a voulu délaisser les guitares électriques pour prendre d’autres chemins.
Photo credit : Mitja Kobal
Les plus curieux auront peut-être repéré son premier disque en solo en 2015, Classical Punk and Echoes Under the Beauty. Il revient en 2017 avec un projet encore plus ambitieux, Behind The Shadow Drops et les neuf longues plages qui constituent Harmonic.
Rarement un disque aura si bien porté son titre. Ici, Harmonic avec la multitude de sens que l’on peut prêter au mot. Harmonic pour harmonieux Harmonic pour Harmonie. Ce n’est pas à une simple écoute que nous invite le japonais Takaakira ‘Taka’ Goto, accessoirement leader du groupe Post-Rock Mono mais à un voyage, un périple dans les dessins d’un tableau. Chacun des titres de ce disque sont pareils à une palette de couleurs, des nuances allant d’un bleu profond au gris épais. De l’inaugural The End Of Daydreams qui installe la scène, à l’image du No Man de Steven Wilson et Tim Bowness à cette sublime expression de la fragilité que peut être Trace Of Snow Waltz , Takaakira ‘Taka’ Goto surprend par cette capacité à triturer les mêmes obsessions que l’on lui connaît mais à en faire une autre proposition, une expression nouvelle. Ici Trip Hop, là pas si loin de Dakota Suite ou d’Arvo Part, on est loin des déchaînements de guitare de Mono.
Pourtant, quand on observe bien, on retrouve à peu de choses près les mêmes ingrédients, ce goût pour la répétition de motifs simples, la juxtaposition de frissons sonores. Ce sont les cordes sur ce deuxième titre et plus précisément le violoncelle qui construit cette dramatisation de l’espace.On y retrouve ce même romantisme, ce même lyrisme qui font du travail du japonais avec ou sans son groupe autre chose qu’une pâle copie des écossais de Mogwai.
On reconnaîtra mieux Mono dans Utopia mais le japonais semble vouloir privilégier un format volontairement axé sur la brièveté. Ici, pas de longues plaintes de 15 minutes mais un propos ramassé dans le temps à l’image de l’efficacité toute en puissance de Positive Shadow Negative Light et son crescendo si jouissif ou encore de cette pièce pour piano et cordes qu’est Sonata (qui rappellera un peu les accents de Mono période Hymns From The Immortal Wind).
Harmonic également comme un jeu avec la dissonance et le silence. Harmonic comme la rencontre entre l’électronique, nouvel ajout dans l’environnement du musicien, et une sensibilité exacerbée. Ether, quant à lui, amène un peu de l’esprit de la chose Pop dans l’univers du Tokyoïte. Warm Light tient plus de l’impression, de la suggestion comme si en ces quelques lignes de guitares, ces quelques notes de piano pouvaient se cacher, se terrer des secrets à dépouiller.
Construit comme une pièce classique, en mouvements et en thèmes, Harmonic ressemble à la musique d’un film imaginaire, des décors hantés par le vide et la nuit. Pourtant, le silence ici n’a jamais été aussi bavard.
Un pied dans la musique contemporaine, un autre dans le Trip Hop, Takaakira ‘Taka’ Goto ne livre pas un album solo au rabais mais ajoute à sa palette de leader d’un des groupes les plus passionnants dans le Post-Rock une couleur nouvelle, un quelque chose d’inédit. Aussi étrange que le chose puisse paraître, c’est un peu comme si l’on rencontrait un débutant, un artiste dont tout le travail reste à accomplir.
Greg Bod
Behind The Shadow Drops – Harmonic
Label : Temporary Residence
Sortie : 22 septembre 2017