La douceur est une vertu rare et précieuse. Plus le monde dégringole et plus on a besoin. Karen et Don Peris de The Innocence Mission le prouvent encore avec ce EP splendide, annonciateur d’un nouvel album en juin prochain.
Comment peut-on expliquer ce charme qui prend à tous les coups avec des artistes qui creusent le même et sempiternel terreau ? Prenez Woody Allen et sa mélancolie analytique, Bonnie Prince Billy et sa rage maîtrisée ou encore Karen et Don Peris qui depuis des années chantent finalement les mêmes chansons lentes, évoquant l’enfance, la torpeur du printemps, le froid de l’hiver qui s’installe. On ne s’explique pas cette magie et on ne souhaite de toute façon pas se l’expliquer. Tout se joue à presque rien, à des petits détails. Peut-être que la différence fondamentale entre le musicien qui se répète jusqu’à l’ennui et ceux qui explorent les mêmes territoires, c’est cette évidente sincérité dans le propos que l’on entend dans tous ces titres.
Il y a chez The Innocence Mission quelque chose qui ressemble à de l’urgence, de l’urgence à peindre l’émotion du moment d’avant. A l’écoute de ce nouvel Ep, annonciateur d’un album qui arrivera au printemps prochain, vous y retrouverez les mêmes ingrédients, la guitare fragile de Don Peris, le piano désuet de Karen et sa voix surtout, cette voix qui redonne foi en l’amour. Prenez From The Trains qui évoquera le meilleur de Befriended, considéré à juste titre comme leur plus grand disque. On y croise un folk lumineux, pas si lointain d’une Joni Mitchell.
Si l’on devait donner un qualificatif à la musique de The Innocence Mission, ce serait assurément frissonnante. On ne sait toujours pas remis de Violet, le disque solo de la chanteuse, pour cette propension à dire beaucoup peu, à faire vivre intensément chaque particule qui passe. Snow, c’est un peu cela justement. Devenir infiniment petit mais en même temps infiniment grand. Bel exemple également qu’une mélodie fine peut subir toutes les métamorphoses tant cette nouvelle version est lointaine de celle de Birds of My Neighborhood, la faute à la patine du temps qui, tranquillement, fait son œuvre.
The Innocence Mission n’en finit pas de construire une œuvre d’apparence classique, un folk marqué par les années 70. Quelque chose qui, en d’autres mains, serait sûrement fade et sans intérêt. En quelques lignes d’accord, on est transporté dans les rues de Montreal, le printemps qui vient.
Mais la merveille des merveilles est en clôture de ce disque, The Snow On Pi Day. Une balade qui raconte à elle-seule une vie entière, une enfance qui se découvre, une vie de passions, d’échecs et désaveux. C’est beau comme un premier baiser, comme un premier pas, comme une première rencontre. On pourrait dire de The Innocence Mission, c’est toujours beau. On a l’habitude.Cela devient lassant. Et bien oui, c’est vrai mais à chaque fois, cela marche, on est transporté. Pourquoi s’en priver ?
Greg Bod
The Innocence Mission – The Snow On Pi Day
Label : Umbrella Day Music
Sortie le 14 novembre 2017