On avait oublié combien Robert Guédiguian pouvait être pertinent : 20 ans après les triomphes de A la Vie, à la Mort et Marius et Jeannette, La Villa propose un retour éprouvant, puis merveilleux sur le monde perdu de nos rêves, de nos espoirs, sur ce qu’il en reste et sur ce qu’il nous reste encore à faire.
Nous sommes nombreux à avoir peu à peu lâché Robert Guédiguian, avec le sentiment – sans doute injuste – que ses chroniques enchantées sur la classe ouvrière et sur Marseille et ses calanques, qui nous avaient été si chères, n’avaient plus rien à nous dire. Le monde qui s’ouvrait et nous promettait un avenir nouveau, bien loin idéologiquement de la lutte des classes, paraissait lui donner tort, dans son acharnement à resserrer son Art sur un lieu et une tribu…
Ce fut donc un choc, une surprise de nous retrouver, le visage ruisselant de larmes, devant la Villa. Soit un film qui commençait bien mal, avec son air trop « français » de règlements de comptes familiaux : la fratrie désunie qui se retrouve au chevet du père mourant, le retour au pays, le lourd « secret » qui a empoisonné l’amour fraternel, etc. etc., ça ne fait vraiment plus envie au spectateur d’aujourd’hui… Sauf que la « magie Guédiguian » renaît peu à peu, ou plutôt est là, intacte, derrière le scénario convenu, peu avare de clichés, facilement naïf : sa générosité et sa combativité intacte transcendent peu à peu l’atmosphère dépressive et la tonalité grisâtre des regrets stériles d’un monde perdu, englouti par le Temps, l’Argent et la fin des illusions politiques.
Magie d’une petite troupe d’acteurs, toujours les mêmes (dont Jean-Pierre Darroussin, ici impérial, grâce lui soit rendue), mais avec de nouveaux arrivants chargés de défendre avec sincérité le parti de la génération actuelle (internet, start-up, business, attrait de Londres, etc.). Magie d’un lieu – les calanques donc – qui est à reconquérir alors que se profile la menace de la gentrification. Magie de la Vie, bouleversante, quand explose littéralement à l’écran le flash-back tiré d’un ancien film de Guédiguian (Ki lo sa ?, je crois…), quand l’avenir semblait encore promettre du soleil, de l’amour et des rires.
Mais ce qui sauve la Villa et le porte loin de l’hiver, tout droit vers la grandeur, c’est cette certitude renouvelée que l’existence reste un combat – sans plus d’idéologies mais c’est tant pis, ou tant mieux : la générosité, la rébellion, le don de soi sont plus nécessaires que jamais face aux défis actuels (ici l’horreur des migrations), et constituent même la seule façon de se retrouver, de vivre en paix avec soi-même. Comme un écho du passé, un écho bouleversant, porteur de vie, qui clôt la Villa sur une scène magnifique.
La villa
Film français de Robert Guédiguian
Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan…
Genre Drame
Durée : 1h 47min
Date de sortie 29 novembre 2017