Le « scandale Kevin Spacey », finalement effacé de Tout l’Argent du Monde, a largement éclipsé les qualités, finalement très limitées, du dernier film de Ridley Scott, vétéran stakhanoviste mais arrogant de la « grosse machine hollywoodienne »…
Il a beaucoup de bonnes raisons de ne pas aimer « Tout l’argent du monde » et une seule de le défendre, mais cela vaut la peine de commencer par cette dernière, car elle tient du miracle : le remplacement, une fois le film terminé, de Kevin Spacey – persona non grata du fait des récentes révélations sur son caractère de prédateur sexuel – par le vétéran Christopher Plummer dans le rôle imposant du milliardaire J. Paul Getty, est une réussite exceptionnelle… puisque Plummer constitue à lui seul 99% de l’intérêt de ce film fossilisé et congelé par l’abus de maîtrise technique dans la mise en scène.
Dès que Christopher Plummer quitte l’écran, et à de rares exceptions près, plutôt dans la toute dernière partie du film où quelques scènes relèvent plus nettement du thriller traditionnel, on s’ennuie à mourir devant ce cinéma d’une prétention accablante, et qui semble n’avoir aucune idée de ce qu’il devrait raconter. Clairement, ce bon Ridley (dont cela n’a jamais été le point fort de toute manière) a depuis longtemps oublié comment filmer des sentiments humains « ordinaires », et se complait dans le pompiérisme lourdingue et les clichés les plus réducteurs : même si l’horreur de la mafia calabraise est bien réelle, même si le Sud de l’Italie n’est certes pas la région la plus développée d’Europe, il est impossible de ne pas lire un indicible mépris dans la manière dont Scott dépeint ici ces « sauvages », si éloignés de l’intelligence et de la supériorité anglo-saxonne.
Mais force est d’admettre qu’on est désormais habitué à ce genre de colonialisme cinématographique, et que le véritable problème du film repose plutôt dans son ambiance mortifère qui, si elle prend justement tout son sens dans les scènes centrées autour de Getty, évide cruellement les compositions ratées de Marc Wahlberg et de Michelle Williams, tous deux visiblement bien à la peine.
Répétons donc, comme à chaque fois, que Ridley Scott est un réalisateur incroyablement surévalué du fait de ses débuts tonitruants et de ses compétences techniques, et que l’âge qui s’avance semble le conforter sans ses pires travers de démiurge perfectionniste. Le beau sujet de « Tout l’Argent du Monde » méritait bien mieux que cela…
Tout l’argent du monde
Film Américain de Ridley Scott
Genres Thriller, Drame
Avec Mark Wahlberg, Michelle Williams, Christopher Plummer…
Durée : 2h 15min
Date de sortie 27 décembre 2017