Avec ce nouveau roman, la romancière Sud-Coréenne Gong Ji-yong évoque avec douceur et humanisme son enfance et son pays à travers le portrait d’une gamine aux cotés de laquelle elle a grandi.
Photo © Dahuim Paik
« Bongsun a encore disparu, m’a annoncé ma mère… Mon Dieu elle a déjà eu quatre enfants de pères différents…. » Bongsun c’est la jeune fille recueillie par la famille de la narratrice alors qu’elle n’était qu’une enfant mal traitée par une famille d’accueil, c’est elle qui a pour bonne partie élevé celle qui est désormais une écrivaine reconnue, celle qui raconte cette histoire alors qu’elle traverse une période perturbée par son divorce. A l’annonce de cette nouvelle, la narratrice se souvient de la fille âgée d’une dizaine d’année de plus qu’elle qui l’accompagnait partout, la prenant en charge comme une petite maman ou comme une grand sœur attentionnée.
La famille n’est pas fortunée, la mère travaille au marché pour faire bouillir la marmite, le père est parti aux Etats-Unis pour reprendre des études pouvant lui assurer l’accès à un bon travail, bien rémunéré. Malgré ces difficultés, la mère ne veut pas renvoyer Bongsun qui peu à peu se transforme en une petite bonne au service de la famille. Quand le père revient et trouve un excellent emploi lui assurant des revenus de plus en plus conséquents, la mère veut à son tour jouir d’une vie de bourgeoise et déplore que sa bonne ternisse l’image de sa famille et surtout la sienne.
Bongsun est une fille d’humeur toujours égale, travailleuse et souriante, elle s’occupe comme une sœur de la narratrice alors âgée de quatre/cinq ans. Après quelques humiliations, elle comprend qu’elle ne fera jamais réellement partie de la famille et ne résiste pas longtemps à l’appelle de la chair. Elle avorte d’un premier bébé, fruit des œuvres d’un vilain garçon qui la tabasse, avant de se marier avec un homme plus âgé qu’elle qui décède rapidement de la tuberculose. Elle a été utilisée par la famille du défunt pour lui donner un héritier qu’elle n’avait pas encore. La narratrice poursuite ses études au collège puis à l’université et se détache de plus en plus de cette fille qu’elle finit par chasser de son esprit jusqu’à ce jour où sa mère l’informe de la nouvelle aventure qu’elle a entreprise. En plein divorce, elle réalise tout ce que fut cette fille pour elle quand elle était une enfant un peu livrée à elle-même avec une mère trop occupée par son travail puis par son image et un père trop haut placé pour s’intéresser aux problèmes familiaux et ancillaires.
Gong Ji-yong est une romancière très connue en Corée où ce livre a déjà été édité trois fois, née en 1963, elle a connu la dictature et lutté pour les droits de l’homme, la condition des femmes, des enfants, des travailleurs, des handicapés, des homosexuels… Tous ces thèmes ou presque se retrouvent dans ce roman, ils ne sont jamais évoqués avec haine ou violence, toujours avec douceur et conviction. L’auteur démontre que l’amour et la tendresse sont certainement plus forts que la brutalité et l’exclusion sociale. En lisant ce livre on a l’impression que plus les gens s’enrichissent plus ils deviennent intolérants, autoritaires, intransigeants et surtout très soucieux de ce qu’ils ont et qu’ils ont peur de perdre. Bongsun n’a rien, seulement des malheurs et des misères, alors elle n’a peur de rien, elle n’a rien à perdre, elle peut sans aucun risque garder l’espoir qu’un jour la roue tournera, qu’un homme l’aimera et la fera vivre décemment, elle n’en veut pas plus. Une plongée dans le passé faisant sourdre tout l’amour que cette fille a donné à l’auteure mais aussi toute l’ingratitude et tout l’orgueil dont celle-ci a fait preuve à l’endroit de celle qui a guidé ses pas jusqu’à l’entrée au collège.
Denis Billamboz
Ma très chère grande soeur
Roman sud-coréen de de Ji-young Gong
Traduit par Lim Yeong-hee et Stéphanie Follebouckt
Editeur : PHILIPPE PICQUIER
208 pages – 18,50€
Parution : 4 janvier 2018