Repéré dans le sillage des américains d’Hammock avec un premier disque, il y a deux ans, Slow Meadow revient avec le somptueux Costero, brillant exercice de délicatesse.
Le frisson ce n’est pas le seul apanage des nos maladies hivernales, on peut parfois se laisser perturber, être totalement désaxé voire déboussolé sans la moindre fièvre, même celle que l’on a dans le sang comme le chantait en son temps Alain. Mais le vrai, le grand frisson qui vous secoue pleinement et totalement est bien plus rare. On pourrait citer ici la beauté d’un Sufjan Stevens, d’un Peter Milton Walsh, d’un Durutti Column ou encore un Gorecki. Il faudra joindre à ce cercle privé et restreint de glorieux donateurs de beaux objets le minuscule Matt Kidd de Slow Meadow pour cette capacité à tutoyer les hauteurs ultimes.
Slow Meadow ose le romantisme et le lyrisme en parvenant à ne jamais tomber dans le dégoulinant ou le mièvre. Ces 10 vignettes mélancoliques construites autour du piano de l’américain convoquent l’enfance, les brumes qui cachent des monstres de tendresse. On citera à l’envie Ludovico Einaudi, Max Richter, Johann Johansson pour cette même envie à dépeindre des paysages changeants et agités.
Ce qui est étrange à l’écoute de Costero, c’est qu’on a entendu mille fois ces entrelacs, ces pas de deux, ces envolées spontanées, ces combustions lentes. Paradoxalement, parfois en mieux. On ne s’explique pas cette impression d’émerveillement tout au long d’un disque pourtant largement prévisible et aux coutures bien apparentes. C’est peut-être lié à cette simplicité revendiquée, cette naïveté rafraîchissante dans le propos. Cette totale absence de calcul dans les intentions. C’est un grand petit disque modeste.
Contrairement au premier disque qui fouillait des pistes un brin plus électroniques, Costero est ouvertement acoustique. On entendra bien ici et là quelques drones, quelques murmures mais Matt Kidd a choisi ici de collaborer avec un orchestre, ce qui apporte une foultitude de nuances à un album qui doit autant aux violons de Gavin Bryars que l’amertume d’un This Mortal Coil. On retrouve dans sa musique cette émotion à fleur de peau, cet os rongé et à blanc comme ce que l’on entend chez Gem Club.
Certaines musiques sont comme autant d’invitations à des voyages mais savez-vous que certains voyages ne sont que d’étroits liens avec l’immobilité. Brazos Fantasmas, ici, par exemple, saura où vous désirez aller. Il vous y transportera en douceur.
Costero a été imaginé quelque part à la frontière du désert, dans le lointain ouest américain, un peu comme ce Blood Moon, joyau de 2016 de M.Craft. On entend cette même tristesse paisible, une sérénité dans l’épure qui fait de ce disque une oeuvre inclassable, quelque chose que l’on ne parvient clairement à normer. Triste ? Assurément non ! Enjoué ? Assurément non ! Neutre ? Non plus !
Costero est bien plus que cela et bien moins que cela, il est et c’est bien assez. Une belle proportion d’équilibre, de fragilité et d’émotion.
Greg Bod
Slow Meadow – Costero
Sortie le 17 novembre 2017
Label : Hammock Music