Il faut bien reconnaître que la maison Amazon est loin pour l’instant, à quelques exceptions près, d’atteindre la reconnaissance critique et publique qu’elle vise pour ses séries. Et, malgré les moyens mis en œuvre, ce n’est pas American Gods qui risque de changer les choses…
Le livre de Neil Gaiman ne bénéficie pas en France de la renommée dont il est auréolé aux USA et en Grande-Bretagne, ce qui permettra à la plupart d’entre nous d’aborder sans préjugés la première saison de American Gods, son adaptation en série, une production de la maison Amazon qui fait, pour une fois, un certain bruit.
Il est clair dès le pilot, assez insupportable de formalisme, et peu réfléchi de surplus, qu’Amazon a sérieusement investi dans son dernier produit : nous sommes ici dans le haut de gamme – budgétaire – visant à concurrencer la crème de chez HBO. Malheureusement, si l’on retrouve ici le fantastique à la mode actuelle, et si l’on peut s’amuser, comme la critique américaine à trouver une certaine pertinence dans cette allégorie reliant la disparition des fois originelles à la montée des « religions modernes » (la technologie, les réseaux sociaux, la célébrité), il faut rapidement déchanter devant les défauts rédhibitoires de la création de Michael Green et Bryan Fuller : beaucoup d’images choc à la bêtise criante, aucune vision consistante (la tare de la majorité des séries TV, sans véritable « auteur » aux commandes – à quelques exceptions près, les chefs d’œuvre que tout le monde connaît…), un scénario qui part dans tous les sens, une mythologie tout ce qu’il y a de confuse, une musique insupportable qui noie tout en permanence.
Mais voilà, il y a Ian McShane, qui nous a manqué depuis Deadwood et qui cristallise dans son jeu excessif toute la fiction qui fait défaut partout ailleurs. Lui donne envie de continuer. Huit épisodes plus tard, la saison 1 se termine : on s’est régulièrement ennuyés en cours de route, mais il y a eu quelques moments WTF – comme on dit de nos jours – qui ont fini par générer un petit quelque chose de l’ordre de la fascination : du genre, « mais jusqu’où vont-ils aller ? »… Des scènes gore, des détails déplaisants ou même franchement insupportables, du sexe visiblement construit pour provoquer – comme cette scène de sexe homosexuel entre arabes, forcément polémique… des gamineries en fait.
Le thème de American Gods – les anciens Dieux du Vieux Mondes auxquels plus personne ne croit, et donc à travers eux la question de l’évolution de la culture américaine – finit par émerger au cinquième épisode, mais on ne peut pas dire que les scénaristes soient pressés de le traiter… ce qui est d’ailleurs dommage car il n’est pas sans intérêt. Bref la série, en forme de road movie dévasté, a fait du sur-place pendant 8 heures. Mais ce cabotin d’Ian McShane est resté impeccable, dépassant même ce vieux Nicholson en matière d’histrionisme. Pour lui, on regardera la seconde saison.
Eric Debarnot
American Gods est une série produite pour la chaine Starz , qu’Amazon distribue dans certains pays.
Amazon n’est donc en rien productrice de la série.