Second album pour Tales and Remedies, un duo amoureux de pop orchestrale : un disque ouvert, raffiné et populaire. Que demander de plus !
Avec Tales and Remedies se pose une nouvelle fois l’épineuse question de ce qu’est la pop ? Une question non tranchée depuis les années 60, de la Tamla Motown au Beatles, et rendu encore plus complexe depuis que ces derniers ont fait Eleonor Rigby, un titre exclusivement composé de cordes.
Si les critiques se posent des questions existentielles, les musiciens eux font de la musique et Tales and Remedies met en pratique ce qui serait un début de réponse : la pop est protéiforme. C’était vrai avec leur premier album ; ça l’est encore plus avec Love and crime scenes. En lisant la composition des membres du groupe, que dis-je du collectif, on peut se dire que la musique ne pouvait qu’avoir cette caractéristique. Centré autour de Guillaume Cousin (auteur/compositeur mais aussi violoniste et choriste sur le projet) et de la chanteuse anglaise Joanna Kirk, Tales and Remedies ne compte pas moins une dizaine de musiciens, venus tous d’univers différents : Matthieu Imberty, guitariste pour No One is Innocent, Nicolas Haas ou Axel Bauer ; Antoine Reininger, bassiste aussi bien pour Patrick Bruel que pour son trio jazz Kapsa-Reininger-Fleau ; Alex Tran Van Tuat, programmation électro pour Youssou N’Dour, Titi Robin ou India Zahra ; Julien Perraudeau de Diving with andy, également pianiste pour L, Christophe, Higelin ou Rodolphe Burger…etc, etc. Les autres me pardonneront mais cette chronique risque vite de se transformer en « bottin des musiciens qui maitrisent ». En tout cas, preuve est ainsi faite sur les capacités naturelles du groupe à ouvrir sa musique.
Le fait est d’autant plus remarquable que chaque morceau proposé ici part d’une base acoustique commune : un quatuor à cordes. Vous comprenez désormais la référence à Eleonor Rigby ? Sauf que les Français ne s’arrêtent pas en si bon chemin, c’est même le principe du disque, affirmer un liant pour mieux le dépasser. Y incorporer de l’électronique, y faire agir un trombone réussissant à devenir à lui tout seul un brass band, apporter la ferveur des choeurs, se dire surtout que rien n’est interdit. Et les pistes explorées ne manquent pas. Sensualité soul sur Gimme Love ; touche trip hop sur Virtual Odyssey (Portishead peut d’ailleurs être une de références qui traverse tout l’album) ; Americana baroque sur Will You Let me be ?, Hip hop (proche de Luscious Jackson) sur My Favourite Leisure ; pulsations new wave sur Haunt my tomorrows ; spoken word sur mélancolie John Barry-ienne sur Life and Death together. Avec Tales and Remedies, tout passage en revue des titres d’un album riche s’avère vite réducteur, chaque morceau ici vit, évolue et ne se contente pas de s’assoir sagement dans un genre. N’est-ce pas cela en fait, la pop ?
Oui en effet, d’autant plus que derrière cette tentative d’explication de textes d’un album qui n’en pas besoin, il y a le plaisir de l’écoute, la facilité aussi : tant d’harmonies, d’idées orchestrales pour simplement aboutir à des titres à l’évidence mélodique qui donneraient même matière à singles radiodiffusés en boucle : sur un sujet difficile (le sort réservé aux femmes) Will you let me be ? vous emporte dans une énergie communicative ; Haunt my tomorrow vous fait danser intelligemment sur des attaques de violons et de trombone.
Pop, quoi ! Et de la bonne en plus !
Denis Zorgniotti
Tales and Remedies – Love and Crime Scenes
Label : Green Music United
Sortie : 9 Février 2018