Phong veut avoir un corps de femme. Documentaire intimiste doublé d’une réflexion sur la quête de soi, Finding Phong ouvre malgré lui sur des questions politiques.
A son petit niveau, Finding Phong est un film-phénomène : sélectionné depuis 2015 dans une vingtaine de festival dans le monde, il a aussi contribué à faire évoluer la Loi au Vietnam, (sa vision a conforté les députés à voter une loi pour permettre aux transgenres de modifier leur identité sur leurs papiers).
Bel exploit pour un documentaire à petit budget, intimiste, sur un sujet en apparence spécifique, la transidentité. Finding Phong, c’est un film témoignage qui suit sur plusieurs mois un jeune Vietnamien, né garçon, dans ses démarches, pour devenir ce qu’il a toujours été au fond de lui, une femme. D’abord tourné à la première personne, avec une Phong utilisant la caméra comme un journal intime filmé, Finding Phong offre un point de vue extérieur, celui de Tran Phuong Thao et Swann Dubus : devenus les opérateurs du film, ils gardent pourtant ce regard resserré sur un destin personnel. Peu de plans de coupe mais une Phong filmée en permanence, seule, avec des amis, ses parents, ses frères et sœurs, plus tard à la clinique, avec médecin et infirmière.
Finding Phong fait oeuvre didactique sur toutes les étapes de la transformation, des premières prises d’hormones à l’opération finale dans une clinique de Thaïlande. Il montre et interroge sur ce que peut vivre et ressentir une personne perdue dans le mauvais corps et donne un sens littéral à la formule « on ne nait pas femme, on le devient » : Phong fait l’apprentissage de la féminité et de la séduction liées au corps ; on la voit ainsi prendre des poses suggestives devant la glace ou se mêler à des prostituées transgenres thaïlandaises jusqu’en devenir provocante. Une vraie quête de soi.
Le film sait aussi révéler les hantises de la jeune femme, celle de d’apparaître toujours comme un « lady boy » (un transsexuel et non une vraie femme), celle aussi de découvrir la sexualité. Au-delà de ces moments crus (mais nécessaires) où Phong demande à des femmes comment elles vivent l’acte sexuel, apparaît en filigrane la vision que les femmes ont d’elles-mêmes : celle de se mettre en position d’apporter du plaisir aux hommes, sans avoir le désir d’en éprouver soi-même (même après avoir eu un corps d’homme, Phong ne déroge pas à la règle ; elle veut être sexuellement soumise). Au Vietnam, la femme est un citoyen de seconde zone, cela se voit également lors des discussions avec la famille de Phong – opposée à sa métamorphose – ne comprenant pas comment alors que l’on est un homme – le sexe dominant, le sexe fort – on peut avoir envie d’en changer pour se retrouver dans le corps d’une femme. Finding Phong touche alors à des questions sociétales, politiques même, qui vont au-delà du sujet du transgenrisme et qui font de ce documentaire à la première personne, une œuvre plus universelle qu’il n’y paraît.
Denis Zorgniotti
Finding Phong
Documentaire franco-vietnamien de Tran Phuong Thao et Swann Dubus
Durée : 1h32
sortie le 14 février 2018