Cinq ans déjà, si l’on ne compte pas leur collaboration avec Sparks, qu’Alex Kapranos et ses pétulants Franz Ferdinand ne nous avaient pas donner de nouvel album. La déception est à la hauteur de l’attente…
On sait bien que la dure réalité, c’est que les « grands groupes de Rock » sont faits pour mourir, et quelque fois très vite. En 2018, nous aurons donc assisté au crash terrible de la fusée Franz Ferdinand, dont le pilote perdu s’imaginait pourtant pointer le nez vers les cieux : « Always Ascending ! » criait encore Alex Kapranos quelques instants avant d’être vaporisé dans l’un de ces désastres destinés à rester légendaires…
Souvenons-nous du choc délicieux que constitua l’arrivée tonitruante des Écossais en 2004 : des chansons qui diffusaient une joie étonnante, une énergie scénique irrésistible, un album éponyme qui faisait rêver d’une pertinence retrouvée dans nos vies du Rock qui en était pourtant déjà à beaucoup trop de morts et de résurrections. Les deux albums suivants maintinrent l’illusion, et les tournées enthousiasmantes du groupe nous faisaient à chaque fois renouveler notre foi en cette musique fédératrice sans être prosélytiste. Le quatrième album dévoila la fatigue de la bande, et le détour par une collaboration, réussie, avec Sparks confirma que Franz Ferdinand cherchait désormais son chemin. L’annonce du départ de Nick McCarthy, qui constituait avec sa guitare le véritable « nerf de la guerre » du concept FF confirmait alors que le groupe allait devoir changer ou bien disparaître.
Always Ascending est une terrible déception : au-delà de la médiocrité indigne de sept des dix morceaux le constituant, qui ne font que recycler sans y croire des mélodies naguère brillantes et reprendre mécaniquement les gimmicks qui nous faisaient vibrer, il traduit l’incapacité de Kapranos à se renouveler, ainsi que l’inanité de ses choix musicaux. Reléguer les guitares au second plan aurait pu être courageux pour un groupe qui construisit sa réputation sur celles-ci, mais il ne fallait pas que ça soit derrière d’horribles sonorités électroniques ringardes qui ne peuvent être prises qu’au second degré. Mettre sa voix autant au premier plan ne pourrait faire du sens que si Kapranos était un bon chanteur : or, il a toujours été l’un des pires de sa génération (le pauvre, sans le renfort de la technologie du studio, chante terriblement faux…). La perte d’inspiration, qui se traduit soit par des chansons « pop » totalement vaines (Lazy Boy), soit par des morceaux qui s’égarent dans leur propre complexité artificielle (Always Ascending, Huck and Jim), est quasi-complète.
Mais le pire, qui nous met, nous les ex-fans enamourés de ce groupe si brillant, au désespoir, c’est l’absence totale sur ce tiède Always Ascending de la moindre étincelle d’énergie : nous n’avons droit ici qu’à de mornes simulacres de ce qui fit l’excellence de Franz Ferdinand.
Est-ce la fin ? On voit mal le groupe se relever d’un tel fiasco, même si l’on peut penser – craindre ? – que la tentation sera grande pour Kapranos de continuer à faire tourner sur les scènes du monde ce groupe qui ne sera plus, comme tant d’autres, qu’un jukebox bloqué en mode replay, diffusant mécaniquement les plaisirs d’une grande époque désormais révolue.
Eric Debarnot
Franz Ferdinand – Always Ascending
Label : Domino
Date de sortie : 9 février 2018