On était sans nouvelle de Rick Alverson, ancienne tête pensante de Drunk ou encore de Spokane parti s’essayer à la réalisation au cinéma. Il revient avec Lean Year où il se met en retrait pour laisser toute la lumière à son amie Emilie Rex.
Où sont passés les héros de ce que l’on appelait alors le Slowcore ? Nombre d’entre eux ne sont plus de notre actualité contemporaine, adjacente. D’autres ont suivi d’autres chemins, on pourrait citer ici Mark Kozelek qui, sans ses Red House Painters, se réinvente en narrateur d’une longue odyssée ou encore Low qui, à travers une discographie exemplaire, nous éblouit à chaque jalon de son histoire en devenir.
De tous ceux-là, l’un de ceux qui restent encore aujourd’hui le plus méconnu, c’est sans aucun doute Rick Alverson qui avec Drunk et particulièrement Spokane a su crée quelque chose qui n’est pas seulement du Slowcore mais une matière bien vivante et palpitante.
Le problème, c’est qu’en 2007, après un magistral mais discret Little Hours, l’américain délaisse la cause pour s’intéresser à la réalisation pour d’autres tant d’un point de vue musical mais aussi cinématographique.On le remarque en particulier parmi ses 4 films avec New Jerusalem avec au casting son ami Bonnie ‘Prince’ Billy.
On continue à avoir de loin en loin quelques nouvelles, ici et là. Ici un clip pour Angel Olsen, là une participation au dernier disque de Gregor Samsa. Autant dire que le monsieur se fait aussi rare que précieux. Imaginez donc l’impatience que l’on peut ressentir quand on apprend son retour avec ce projet, Lean Year, en duo avec Emilie Rex.
Ce qui frappe dès la première écoute, c’est ce vocabulaire qui s’est enrichi, ces arrangements de cuivre en particulier qui plutôt que de trop appuyer le propos lui insufflent encore plus de la fragilité. On ne pourra et on ne devra donc pas limiter ce disque à un qualificatif étroit de folk minimal. La dérive se fait bien souvent maîtresse à bord tout au long d’une oeuvre passionnante et pourtant immédiatement accessible.
Pour cette accessibilité susmentionnée, on pensera parfois au Goldfrapp de Tales Of Us ou encore à des climats plus cotonneux encore comme ceux de Loren Mazzacane Connors. La grande force de ce disque réside surtout dans sa capacité à suggérer l’absence, la perte et la dilatation de l’espace et du temps quand la disparition s’opère.
C’est aussi et surtout un grand disque modeste où Rick Alverson n’hésite pas à s’effacer au profit de la voix diaphane d’Emilie Rex. Rien de surprenant donc à ne jamais vraiment saisir les paysages vaporeux qui s’effacent sous nos doigts.
Ce qui est sûr c’est que l’américain n’en finit pas d’explorer cet espace étroit, celui-là juste en arrière du silence, cette menace tranquille qui accompagne l’absence de mots, cette ombre qui suit ceux qui connaissent de manière bien trop viscérale l’importance de ce que l’on dit ou pas. Rick Alverson n’a sans doute que faire du temps qui passe ou encore des aléas d’une vie trop triviale. Ce qui compte avant toute chose, c’est de savoir se perdre, où que l’on soit, qui que l’on soit…
Vous qui cherchez énergie et râge, passez votre chemin et toi, ami qui ne cherche que réconfort et écoute, tu as trouvé ici une belle âme et une oreille attentive.
Greg Bod
Lean Year – Lean Year
Label : Western Vinyl
Sortie le 20 octobre 2017