Les Django Django étaient sur la scène de la Cigale ce samedi 10 mars 2108 pour un set très efficace mais sans surprise, précédés du duo écossais post-punk / post-rock Man Of The Moon.
« Est-ce que quelqu’un se souvient encore en 2018 de la “new rave” et de ses “fluo kids” qui enflammèrent un court instant l’Angleterre dans les années “zéros” ? Encore une vaguelette qui est venue mourir à bout de forces sur la plage désertée de nos exigences musicales. Il y avait pourtant de l’idée dans ce mariage pop – rock – électro pour danser joyeusement sur les ruines d’un monde qui n’était déjà plus guère reconnaissable. Le même genre d’oubli qui engloutit rapidement nos chez Klaxons guette sans doute les ex-prodiges de Django Django, dont le premier album, créatif et amusant, avait éveillé un vague espoir. En 2018, Django Django joue effrontément la carte pop, sans doute pour raviver l’intérêt d’un public déjà fatigué par ses poses avant-gardistes qui n’ont pas débouché sur grand-chose. En 2018, on sait que la révolution ne viendra pas d’eux, on est passé à autre chose : on ne retourne probablement à Django Django guère que pour “danser intelligent”. C’est donc le moment idéal pour aller les apprécier sur scène.
20h00 : se présenter sur scène sous les auspices de Ghost Rider, passé dans sa quasi intégralité sur la sono avant de jouer la moindre note, est pour le moins… suicidaire : personnellement, je suis déjà entré en transe sur la voix d’Alan Vega quand Man of Moon, duo écossais post-punk / post-rock minimaliste, attaque son set… Oh, ils sont indiscutablement capables de marteler ces vieux clichés bruitistes ténébreux qui marchent encore et toujours sur nos âmes fatiguées ! Mais si la transe tour à tour butée et hébétée a son charme – d’ailleurs la Cigale applaudira plutôt chaleureusement la prestation visiblement sincère de Chris Bainbridge à la guitare et au chant et de Michael Reid à la batterie -, il est impossible de transcender tout cela sans la capacité (que Vega avait, justement) de basculer vers une saine folie, ou, à défaut, de suggérer quelque déviance inquiétante. Trop sage, trop appliqué, Man of Moon nous laisse en rade alors que nous ne demandions pas mieux qu’un petit trip dans l’espace où nul ne nous entendrait crier.
21h00 : Vincent, Jim, Tommy et Dave entament leur concert par un court morceau étrange, un peu psalmodié, que personnellement je ne replace sur aucun de leurs trois albums… mais c’est peut-être ma mémoire qui flanche. Une introduction décalée par rapport à un set qui va être, on va le réaliser très vite, totalement construit pour le plaisir immédiat du public : l’impeccable Marble Skies est joué tout de suite, et pose les bases de l’heure et demi qui va suivre, un enchaînement des titres les plus pop de Django Django, principalement tirés du premier et du troisième albums. Le groupe n’a visiblement plus la tête à l’expérimentation, et n’alternera pas ce soir chansons faciles et électro avant-gardiste.
Les musiciens sont vêtus de blanc et de couleur claire, permettant aux jeux de lumières de jouer avec leurs silhouettes de manière spectaculaire, et le fond de la scène est illuminé en permanence de projections vidéo créant de beaux effets visuels. Malgré l’absence d’amplification sur la scène, tous les instruments passant sur la sono, le son est bon, même si les harmonies vocales “façon Beach Boys” qui caractérisent les meilleurs morceaux du groupe ne seront pas toujours autant mises en valeur qu’elles le méritent. Mais le plus frappant pour moi, oserais-je même parler de déception, c’est la simplification de la texture musicale par rapport aux albums : beaucoup moins de claviers, un son finalement assez traditionnel, on ne peut pas dire que Django Django essaie même de transmette en live l’ambition des meilleurs passages de ses albums.
Surface to Air, chanté par Vincent qui reconnaît avec humour que l’absence de la voix de Self Esteem n’aide pas la chanson, sera une vraie frustration, et je commence à trouver assez irritants les petits cris (gloussements) que pousse Vincent chaque fois qu’il en a l’occasion. Le public de la Cigale, très investi, n’est clairement pas de mon avis, et les titres extraits du premier album, plus baroques, fonctionnent parfaitement comme “crowd pleasers” : Vincent fait rallumer la salle de temps en temps et une forêt de bras se dresse, dans la fosse comme au balcon.
Heureusement arrive le tour de Sundials, la chanson la plus “Beach Boys” de “Marble Skies”, moment superbe qui me plonge néanmoins dans un abîme de réflexion : je réalise qu’il y a désormais chez Django Django une ambition “pop classique” qui m’évoque le XTC de la grande époque. Oui, c’est ça, Sundials pourrait être une chanson de Colin Moulding, et, croyez-moi, c’est un sacré compliment dans ma bouche !
Mais l’heure avance, et la setlist se concentre maintenant sur les hits du premier album, à l’efficacité indiscutable : WOR, Life’s a Beach ou Skies over Cairo dispensent la joie dans le public, et nous reviennent facilement en mémoire, six ans – déjà – après l’apparition bruyante et remarquée du groupe.
Un rappel généreux de trois titres, avec le magnifique Champagne – peut-être la chanson la plus réussie de “Marble Skies” – en sandwich entre Storm et l’inévitable Silver Rays en conclusion, qui confirme que Django Django a atteint son objectif : se positionner sur scène comme un groupe de Rock populaire – finalement assez proche d’un Two Door Cinema Club par exemple – et non plus comme un projet musicalement ambitieux (comme c’était le cas à l’époque de Born Under Saturn…).
Quelque part, je trouve ça un peu dommage, même si ce n’est pas très étonnant dans le panorama sinistré du Rock anglais actuel. Bref, je sors de la Cigale en restant vaguement sur ma faim, mais soyons honnête, je fais partie d’une minorité…
Texte et Photos © Eric Debarnot
Les musiciens de Django Django :
David Maclean (drums)
Vincent Neff (voice and guitar)
Jimmy Dixon (bass guitar, vocals)
Tommy Grace (synthesizers)