Le cinéaste allemand Robert Schwentke propose une plongée sidérante dans les méandres les plus sombres de l’âme humaine et de sa funeste grande Histoire, à travers le destin d’un monstre à visage humain. Un choc !
Dérangeant portrait d’un jeune soldat déserteur de 19 ans chassé par les nazis en déroute, peu de temps avant la fin de la seconde guerre mondiale en avril 1945, qui va voler un uniforme allemand et usurper sans scrupule l’identité du caporal Willi Herold. Ce changement de statut va engendrer une transformation psychologique chez le fuyard passant avec zèle de victime en bourreau prétendant avoir reçu ses ordres d’Adolf Hitler pour exécuter une « mission spéciale ».
Le réalisateur allemand plus connu comme faiseur de blockbuster hollywoodien (Flight Plan, RED, Divergente 2 & 3) à qualité variable, s’empare cette foi-ci d’une incroyable histoire vraie pour livrer une histoire méconnue qui revient sur les heures sombres de son pays et interroge nos consciences sur un passé qui pourrait ressurgir et la capacité intemporelle de l’homme à se transformer en exterminateur. Robert Schwentke offre une magnifique mise en scène drapée dans une pertinente photographie Noir et Blanc glaciale à l’image d’un film qui montre crûment les atrocités commises dans les camps où le binaire régnait. Une puissante réalisation où les choix d’efficaces travellings ou de cadres judicieux sont parfois machiavéliques, transcendant ainsi certains mises en abyme très étonnantes (champ en couleurs où jadis il y avait le camp de concentration notamment), qui détournent les codes du genre et nous désarçonne en déclinant avec brio un récit précis ambigu et politiquement incorrect.
Le cinéaste enfonce le clou de son parti pris radical jusqu’à une décadence morale complète des soldats pathétiques dans une dernière partie assez surréaliste où la bienséance corporelle et sexuelle n’existe plus prolongeant l’ignominie des actes perpétrés dans les camps avec un cynisme et un humour noir qui fait froid dans le dos. Une épatante démonstration inconfortable des sombres mécanismes de l’être humain qui trouvent un déroutant épilogue provocateur en guise de générique où Robert Schwentke ose contextualiser de nos jours l’abus d’autorité en faisant défilé en couleur le barbare nazi en uniforme dans une ville de l’Est de l’Europe. Une sortie en guise d’avertissement pour rester vigilant et toujours combattre la xénophobie qui s’immisce chaque jour un peu plus dans le vieux continent où chaque week-end se déroule des défilés néonazis dans des grandes villes européennes en toute impunité.
Un esthétique long métrage historique passionnant accompagné par une bande sonore stridente saupoudrée d’electro-indus froide composée par Martin Todsharow. Une œuvre réaliste effrayante littéralement ensorcelée par l’interprétation bluffante et courageuse de Max Hubacher aux multiples facettes, restituant fort bien tout l’embrigadement et la folie d’un homme plongé dans le funeste processus de l’Allemagne nazie, simple exemple de toute la cruauté universelle de l’Homme. Venez plonger dans ce voyage intime au bout de l’enfer en faisant connaissance avec The Captain : L’usurpateur. Horrifique. Brutal. Brillant. Implacable.
Sébastien Boully
The Captain : L’usurpateur
Film Allemand réalisé par Robert Schwentke
Avec Max Hubacher, Alexander Fehling, Frederick Lau…
Genre : Drame, Guerre
Durée : 1h58m
Date de sortie : 21 mars 2018