Le Sud de Londres bouge, et cette nouvelle scène rock, politisée et énergique comme il se doit, a donné naissance à Goat Girl, qui sort un premier album… pas aussi abouti qu’on l’aurait souhaité.
Credit Photo : Holly Whitake
C’était il y a un an et demi environ, le 18 novembre 2016, et nous nous pressions à la Boule Noire pour découvrir sur scène Goat Girl, tout jeune groupe féminin venu de Londres, porté par un joli buzz naissant. Hélas, les 25 minutes de leur set largement décevant furent l’occasion de découvrir un groupe assez maladroit (concours de bévues sur scène…) mais surtout enfermé dans une attitude arrogante (à moins que cela n’ait été de la timidité ?), et incapable de capitaliser sur quelques chansons un peu plus intenses qui laissaient entrevoir un potentiel réel.
On aimerait dire que la chenille de 2016 est devenue un splendide papillon en 2018 avec la sortie de son premier album, mais ce n’est malheureusement pas complètement le cas. Si les quelques morceaux excellents sont bien là (Viper Fish, The Man, I don’t Care…) et nous renvoient à une Noisy Pop énervée que ne renieraient pas les Breeders, par exemple, ils sont malheureusement perdus dans une sorte de concept, certes ambitieux, mais surtout dilutif : nos « filles-chèvres » nous peignent ici un portrait incisif de leur ville, sous un angle pas très flatteur (les mecs prennent en général une volée de bois vert, sans doute bien méritée) mais forcément intéressant. Après tout, ce genre de chronique, combinant de brefs collages sonores, des fragments de conversations, des chansons qui semblent souvent inachevées tant Goat Girl leur laisse peu de temps pour exister, a le mérite de trancher avec le tout venant de la production courante, et ces albums collections de chansons aussitôt entendues, aussitôt oubliées, non ? Le problème ici est que l’intention est bonne, que l’inspiration n’est certes pas absente, mais que le tout ne fonctionne jamais vraiment, et que, comme sur scène, le plaisir semble en permanence bridé.
Alors certes, le chant fatigué et dédaigneux de Lottie ‘Clottie Cream’ rappelle franchement celui de Courtney Barnett, ce qui est plutôt un compliment, les guitares sont joliment bruyantes, les textes combatifs sont pertinents, et, heureusement, pas dénués d’humour si l’on veut bien tendre l’oreille derrière le rideau du désespoir et de l’exaspération : bref, il y a là tous les ingrédients pour que naisse le prochain grand groupe anglais que nous attendons depuis si longtemps. La prochaine fois peut-être, avec un album un peu plus… euh… généreux ?
Eric Debarnot
Goat Girl – Goat Girl
Label : Rough Trade / Beggars
Date de sortie : 6 avril 2018