Katie Says Goodbye ou le séduisant récit de combat d’une jeune fille au cœur d’or qui tente de s’échapper de son bled paumé et de sa nauséabonde routine quotidienne, la tête haute vers le soleil…
Amère chronique narrant le destin tortueux de Katie, jeune serveuse de 17 ans travaillant dans un diner au sein d’une petite bourgade isolée de l’Arizona entre vents et poussières, vivant pauvrement avec sa mère irresponsable dans un piètre deux pièces, sans lâcher l’espoir chevillée au cœur de quitter cet endroit pour une autre vie rêvée à San Francisco.
Ce premier long métrage du réalisateur américain Wayne Roberts s’inscrit comme le premier volet inaugural bien venu d’un ambitieux triptyque Says Goodbye mettant en lumière des trajectoires intimes individuelles en rupture volontaire ou inéluctable avec le monde dans lesquelles elles évoluent, et dont chaque parcours se croisera dans l’ultime volet Billie Says Goodbye, comme pour mieux démontrer que ces destins indépendants sont universels. À noter que l’intrigant deuxième volet Richard Says Goodbye avec Johnny Depp redevenu acteur pour l’occasion, et jouant le rôle d’un professeur atteint d’un cancer en phase terminal a déjà été tourné.
Ce coup d’essai réussi nous entraîne sur les routes du cinéma indépendant U.S à travers ce portrait rugueux en forme de chemin de croix, d’une jeune héroïne ordinaire qui malgré les malheurs de la vie garde une foi extraordinaire en l’avenir. Un horizon que Katie ne cesse d’admirer au milieu de décors désertiques où les seules lignes de fuite sont incarnées par la voie ferrée dont la jeune femme aime saluer le passage sourires aux lèvres ou par les longues lignes droites des routes américaines qui amènent les énormes camions à faire une pause sur le parking du restaurant rapide pour retrouver la bienveillante serveuse qui n’hésite pas à donner de son corps à des clients réguliers pour quelques dollars de plus. Wayne Roberts avec sa caméra mouvante à l’épaule capte au plus près cette vie de misère, où le glauque des situations viennent s’additionner sans toutefois que le misérabilisme l’emporte.
Le réalisateur filme à cru mais de manière pastelle (comme l’uniforme rose et blanc que porte la candide Katie à son travail) pour ne jamais sombrer trop dans le noir malgré les épreuves sordides que la jeune fille va subir à cause de son attachante naïveté. Dans cette vie faite de ruades où Katie ne cesse de tomber de cheval, cet univers redneck où le bon n’existe pas au milieu de brutes et de truands qui abusent du corps et de la vertu de la serveuse pour une poignée de dollars ou plus violemment sans un sou, la mise en scène n’enterre jamais son héroïne des temps modernes malgré certaines scènes très dérangeantes. La mise en scène maîtrisée trouve régulièrement la bonne distance alternant entre gros plans sur le visage lumineux de Katie pour capter avec pudeur les émotions et les dilemmes de sa protagoniste et les plans moins étouffants pour éviter le pathétique dans des mouvements de caméra qui balayent d’un revers de focale le désespoir et le cynisme de son histoire.
Le cinéaste s’appuie sur une pertinente structure narrative à contretemps qui malheureusement usent parfois de certaines coutures faisant ainsi anticiper le spectateur avec un petit temps d’avance sur les déboires et futurs obstacles de l’intrigue. Mais l’authenticité du propos et le choix judicieux du casting avec l’incarnation opiniâtre, éblouissante et fébrile de Katie par la brillante et craquante Olivia Cooke emporte l’adhésion tant l’actrice est animée par la flamme de son personnage et son visage filmé comme un paysage dévoile une palette d’émotions qui envoûte longuement après la projection. Un personnage féminin qui nous renvoie inévitablement au saisissant Wanda (1970) de Barbara Loden (influence majeure du film), sorte de western moderne où une femme paumée naviguait dans l’austère et le désespoir sans apercevoir la lumière surnaturelle, que la jeune Katie trouve au fond de son âme poétique, survivante de la réalité chaotique d’un bitume tragique menant vers un horizon fantasmé et bouleversant d’imaginaire dans une dernière séquence magnifique.
Venez accompagner cette sincère quête radieuse, faite de chutes et de rechutes, pour mieux soutenir sa confiance en une vie meilleure qui transcende indéniablement ce marquant Katie Says Goodbye. Désarmant. Rude. Solaire. Touchant.
Sébastien Boully
Katie Says Goodbye
Film américain réalisé par Wayne Roberts
Avec Olivia Cooke, Christopher Abbott, Mireille Enos
Genre : Drame
Durée : 88 minutes