Le fakir s’est embourgeoisé, il se laisse aller dans la mollesse, son éditeur le secoue, il veut des aventures des vraies et il va en avoir car le fakir se rend au pays d’Ikea pour acheter un lit à clous quand un petit abus d’identité fait tout dérailler en de nouvelles aventures rocambolesques.
© Daniel Fouray / MAXPPP
Personne n’a oublié L’extraordinaire voyage de ce fakir resté coincé dans une armoire Ikea (la marque est importante, elle joue un rôle déterminant dans la suite de cette aventure) et tous les lecteurs sont très pressés de savoir ce qu’il est advenu de ce voyageur incongru. Ayant écrit le récit de ses aventures burlesques, ubuesques, désopilantes, trépidantes, en un mot : incroyables, il a gagné une jolie fortune qui lui permet de vivre dans le luxe à Paris avec Marie sa femme adorée. Il a même envoyé un nouveau manuscrit à son éditeur pour maintenir sa notoriété littéraire et assurer son train de vie. L’accueil réservé à ce texte n’est pas du tout à la hauteur de ce qu’attendait le fakir écrivain. L’éditeur se moque des problèmes rencontrés par un Indien enrichi pour s’intégrer dans le XVI° arrondissement de Paris.
« … je suis navré que le fakir ait troqué son lit à clous contre un matelas Dunlopillo. Le lecteur veut de l’émotion. On veut sentir la misère. Ton malheur fait du bien aux autres… ». Le fakir comprend bien ce qu’on lui demande et décide d’acheter un matelas à clous mais le fabricant, le géant suédois du meuble, n’en fabrique plus. Alors, il décide de se rendre sur place pour faire fabriquer un lit rien que pour lui. Au même moment sa femme est mandatée par son patron pour acheter, en Suède aussi, une entreprise concurrente. Tout semble bien réglé, cohérent, quand une petite erreur, un abus d’identité, fait tout déraper. Alors, commence une histoire tout aussi rocambolesque que celle qui avait amené le fakir à Paris après un long voyage dans une armoire Ikea.
Romain Puértolas laisse libre court à son imagination débridée et invente une aventure pleine de rebondissements et de qui propos dignes des meilleures pièces jouées dans les théâtres installés sur les boulevards parisiens. Il ne lésine ni sur les calembours, ni sur les jeux de mots, ni sur les aphorismes et autres formules de styles qui fleurissent un texte. On se croirait parfois dans un vieux San Antonio où les noms propres ressemblent à des périphrases des plus comiques.
Ce texte est tricoté sur mesure pour dérider le salarié le plus stressé mais il n’est pas seulement destiné au traitement des lecteurs trop speedés, il dit aussi des choses importantes. Sous la formule comique, ironique, délirante, il y a aussi des vérités qu’on refuse souvent d’évoquer, les petits et les gros travers de notre société qui ne laisse pas beaucoup de place à ceux qui sont dans le besoin, qui accepte mal ceux qui ne demandent qu’une petite part de notre gros gâteau, du gâteau que le fakir a dégusté goulûment avant de se rendre compte qu’il faut partager avec ceux qui lui ont tendu la main quand il était dans des passes particulièrement périlleuses.
Ce livre vous fera rire, c’est certain, mais il vous rappellera peut-être aussi que d’autres n’ont pas les moyens de se l’acheter, même en polonais comme le seul livre que le fakir avait pour lui tenir compagnie dans les grands moments de douleur et de solitude qu’il a dû encore une fois traverser. Alors Romain, nous garderons une petite lumière éveillée dans notre cœur en souriant au-dessus de ton texte.
Denis Billamboz
Les Nouvelles Aventures du fakir au pays d’Ikea
Roman français de Romain PUÉRTOLAS
Editeur : Le Dilettante
288 pages – 20,00 €
Date de parution : 2 mai 2018