On n’attendait pas forcément grand-chose du premier album solo de Daniel Blumberg, mais Minus s’avère une grande claque émotionnelle…
On ne peut pas dire que la carrière des Anglais de Yuck (à ne pas confondre avec Yak, attention !) ait fait particulièrement de bruit de ce côté-ci de la Manche, mais certains d’entre nous se souviennent peut-être encore de l’apparition de Daniel Blumberg en tant que frontman de Cajun Dance Party au Festival des Inrocks de 2007, puis de 2008 : si le groupe était lui aussi un peu anecdotique, il y avait quelque chose de fascinant en Blumberg, qui pouvait rappelait l’élégance et la fougue d’un certain Robert Zimmerman, jeune… Daniel, véritable chanteur-derviche tourneur, avait fini le set de 2007 quasiment ligoté par son fil de micro, et on s’était alors dit qu’une telle ferveur, et une voix aussi intéressante – qui pouvait rappeler celle d’un Brian Molko ou d’un Robert Smith – méritait des compositions plus inspirées.
Dix ans après cette rencontre, on se prend Minus, le premier album solo de Daniel, comme une formidable claque : l’émotion, la ferveur même sont heureusement intactes, mais cette fois mises au service d’un projet personnel, introspectif, terriblement douloureux, magnifiquement hanté. Et avec quelques vraies bonnes mélodies… bref ce qui manquait à l’époque ! Le résultat est un disque littéralement sidérant de beauté et d’intensité, construit quasi uniquement sur la voix de Daniel, qui s’appuie seulement sur quelques notes de piano, de guitare, de violon, souvent discordantes, grinçantes. Un disque très down tempo, et passablement éprouvant il faut bien l’admettre, avec des passages d’une beauté précieuse – il est permis alors de penser, oui, au Neil Young déchirant de After the Goldrush, ce qui n’est pas rien ! – et d’autres qui frôlent l’abîme et le chaos.
Ce serait d’ailleurs la seule réserve que l’on pourrait émettre sur ce projet formellement ambitieux et parfaitement exécuté, ce délayage bruitiste, qui sonne assez gratuit, sur une paire de morceaux qui, du coup, s’éternisent au-delà du raisonnable. Mais il est clair que Blumberg a conçu son album comme un geste artistique total (il a lui-même réalisé la pochette, me semble-t-il…), et que ni la raison ni le confort de l’auditeur n’entrent en ligne de compte ici !
Bref, en l’occurrence, voilà un « Moins » qui résulte en un « Plus » saisissant pour l’auditeur !
Eric Debarnot