20 ans que Mark Oliver Everett (Eels) nous empoisonne avec ses ritournelles dépressives. Rien de nouveau avec ce The Deconstruction, qui vaut néanmoins la peine qu’on s’arrête sur son cas…
Après toutes ces années, il se peut bien que la seule manière viable de continuer à aimer Eels, c’est de n’écouter qu’un album sur deux ou trois de l’ami Mark Everett. Pour pouvoir créer un semi-effet de surprise en re-découvrant les sortilèges de cette musique terriblement envoûtante, mais usée à force de répétitions. The Deconstruction et Bone Dry, les deux premiers morceaux de The Deconstruction, l’album, sont ainsi un vrai choc esthétique, comme celui qu’on avait pu ressentir en 1996 quand on avait posé Beautiful Freak sur la platine. Production et arrangements impeccables, à la fois originaux et tout confort pour une musique toujours en broussaille, avec la voix sans âge de Mark E qui chantonne ses éternelles malédictions. Et puis on retrouve peu à peu une certaine routine, avec cette alternance prévisible de morceaux éthérés, de berceuses à fendre le cœur et de rockers bancals qui cherchent un peu de jouissance éphémère au milieu de cet éternel cauchemar suspendu qu’est la musique de Eels.
« I had a premonition / Everything will be fine / Kill or be killed / The sun will always shine » : l’optimisme à son degré suprême chez Mark E. C’est toujours pareil : ne jamais faire écouter cet album à un ami ou un parent dépressif, ce pourrait bien être l’impulsion manquante pour le faire sauter dans le vide. Oui, c’est gai à ce point, et même l’extraordinaire beauté qui se dégage de certains passages, avec cordes sournoises et voix féminines menaçantes ne font que rendre les choses pires : cette musique est magnifique, mais elle est mortelle.
Cet album est comme la plupart des autres de Eels : une belle réussite. Peut-être en fait même l’un de ses tous meilleurs, même si l’on n’y trouvera aucune idée réellement nouvelle. A la fin, Mark E nous accueille dans l’atmosphère à la fois solennelle et intime de Our Cathedral : là, enfermés et entre nous, il nous promet que nous pouvons être heureux. On a de la chance, d’habitude c’est plutôt à l’asile de fous qu’il nous invite, Mark E. Mais ça ne change rien, même si on l’aime bien, on fera certainement l’impasse sur son prochain album, puisqu’il y a fort à parier que ce sera encore une fois la même chose, les mêmes berceuses dépressives, les mêmes explosions de fausse énergie. La même volonté de nous nuire, si j’ose dire.
Ne pas écouter TOUS les albums de Eels, c’est une question de santé mentale.