Avec leur septième album, le duo Beach House poursuit une carrière entre prévisibilité et image faussée. Analyse d’une surestimation.
© Shawn Brackbill
Qu’on soit clair, vous n’en avez sans aucun doute que faire de mon avis mais quitte à perdre ici quelques amis, des fidèles de mes propos modestement subjectifs, Beach House m’ennuie, d’un ennui poli… Un petit quelque chose d’agréable, de pas mal fait, de bien ficelé mais qui au bout du compte me lasse plutôt impassible et ne me laisse que peu de souvenirs. Ce n’est jamais mal écrit, jamais mal produit mais sans doute a-t-on mis trop d’espoirs dans un groupe qui n’est peut-être que de simples bons faiseurs ?
7, leur nouveau disque ne déroge pas à cette règle. Une Dream Pop volontiers convenue dont la sainte trinité serait le Velvet Underground & Nico, The Cure et les Cocteau Twins. Toutes ces références sont à peine digérées sans invention ni réelle intention d’en faire autre chose. Si l’on rajoute à cela qu’au fur et à mesure que la discographie du duo s’étoffe, l’étrangeté plutôt bienvenue des premiers albums tend à s’estomper comme si Alex Scally et Victoria Legrand s’embourgeoisaient. Leur musique ressemble de plus en plus à de l’accompagnement sonore d’ascenseur pour dépressifs.
Ce n’est même pas Heavenly tant tout cela transpire l’ennui et ce ne sont pas les quelques bonnes idées de production de Sonic Boom qui parviennent à sauver un disque brouillon et laborieux. Toutefois, on sortira de sa somnolence le temps d’un Dive presque bruitiste mais Beach House revient à ses marottes habituelles qui ressemblent finalement plus à de la redite. Et que je t’appuie sur le côté Dark et que je joue sur un désespoir de pacotille. Certains titres à force de courir après des références finissent par ressembler à des caricatures. On se dit par exemple que n’est pas Slowdive qui veut à l’écoute de Dark Spring.
Une mollesse qui frise l’imposture
Beach House m’ennuie donc, d’un ennui poli mais bien réel. C’est fou comme certains groupes ont la carte, celle du bon client qui fait que lentement, notre esprit critique face à leurs disques semble se réduire à peau de chagrin. Ce n’est jamais honteux mais ce n’est sûrement jamais inventif ni follement excitant. Pay No Mind paye surtout son tribut à cette même scène Cold Wave avec une mollesse qui frise l’imposture. 7 n’est même pas un accident de parcours, c’est la discographie du groupe en elle-même qui est une espèce d’ego boursouflé et à la réputation largement surestimée. Si on vient à ce raisonnement que Beach House est un groupe maladroitement encombré de références évidentes, on les replace à leur honnête place, celle d’un groupe de seconde division qui sorte tous les deux ans des disques agréables mais prévisibles. Ce ne sera pas Lemon Glow qui viendra contredire cette impression avec son harmonie convenue. On reconnaîtra bien un petit frisson avec L’inconnue qui rappelle que Victoria Legrand est bien la nièce de son oncle Michel pour cette envolée lyrique digne des années 70. Drunk In L.A surfe sur cette électro sombre et putassière que l’on entendait dans la B.O de Drive quand Black Car rappelle le minimalisme des premiers disques.
On ne saura trop conseiller à ceux qui aiment ce son Heavenly l’écoute des disques de Foxes in Fiction ou encore les sublimes Gem Club qui transportent ailleurs leurs références à This Mortal Coil et autres Cocteau Twins. Pourtant, pour être totalement honnête avec 7, Beach House tente de nouvelles pistes pour amener sa musique ailleurs mais même Lose your smile ne parvient pas à convaincre, c’est un univers poli, sans aspérité avec beaucoup d’effets de manche pour masquer la platitude des propos. On passera sur le nostalgique Woo sans saveur. On acceptera encore un réveil bienvenu à l’écoute de Girl Of The Year et ses arpèges de guitare cristallines. Le seul grand titre de l’album comme souvent chez Beach House se trouve en conclusion, Last Ride prouve si c’est nécessaire leur capacité de bons faiseurs à écrire une ritournelle Pop déchirante.
Beach House m’ennuie donc. Pourtant l’ennui bien employé peut être une vertu, on dit même que l’ennui porte conseil… Que Victoria Legrand et Alex Scally sachent l’entendre un jour.
Greg Bod
Beach House – 7
Label : Bella Union / PIAS
Sortie le 11 mai 2018