Il se passe des trucs dans la vallée rhodanienne, y’a pas que le vent qui s’engouffre, les abricots qui poussent et les bouchons entre Valence et Orange : Nouveau et très bon Depardon chez Petrol Chips !
Credit photo : Thibault Lefebure
Avec du noir et du blanc, on ne fait pas que du cinéma ou de la photo, on ne fait pas que du manichéisme, des damiers ou même du ska, pas que du gris sous toutes ses nuances non plus. On peut faire de très beaux albums.
On avait laissé Olivier Depardon chez Vicious Circle avec Les saisons Du Silence, nous le retrouvons avec un plaisir non dissimulé chez Petrol Chips trois ans plus tard.
La poésie est sombre… toujours… assemblage de sonorités sifflantes et alambiquées, de jeux de mots simples et efficaces, référencés, évidents presque… ce qui leur confère une puissance aussi étrange que touchante. La langue est abstraite mais émeut.
Exemple magnifique dans le titre d’ouverture : Autopsie du foie
« J’ai des formules plein la tête
Des équations à tous les regrets
Pour le lointain aussi
Pour le prochain
Pour la levée du Saint des Saints
Imminente Babel à deux doigts du ciel
Que Robinson crut Noë ça t’a pas fait marrer ?
La perspective de l’île, l’institut du débile
L’histoire de faux (Defoe ?) et usage du mirage
T’as pas marché sur le ressort de l’humanité »
La recette musicale consiste comme par le passé en de grandes plages souvent hypnotiques, jamais chiantes, un accord ou deux, très peu de variations mélodiques, toutes en changements d’ambiances et d’intensités. C’est la patte de Captain Depardon, fier et droit dans la tempête, donnant les instructions de sa voix calme vaguement enrhumée. À écouter c’est un peu comme s’asseoir sur une jetée, regarder la mer d’huile et attendre que la météo vire au cauchemar.
Moins de guitares ce coup-là… quoi que… toujours très fines, arpèges lancinants (Un retour en enfer), tremolo, reverb, chorus surdosés, dentelles quoi ! et quelques magnifiques gros riffs de leur maman (Un Mot) qui nous rappellent d’où vient Monsieur Depardon : de la maison Virago, Grenoble, Isère… Rock pur jus. Plus de machines par contre, plus d’électronique. La collaboration Olivier Depardon/Ray Borneo (boss de Petrol Chips) est poreuse, réciproque et fusionnelle (très très beau Horses). Avec Du noir Avec Du Blanc est là pour nous prouver que l’artiste n’est pas un monolithe hermétique et con comme l’humanité aveuglée par la lumière pseudo-divine d’une minable ampoule 20 watts… qu’il peut s’imprégner et s’enrichir de ses rencontres tout en gardant son identité propre et identifiable. Les expériences Lomostatic (le chant est de plus en plus parlé / coucou Gontard) et Tarah King TH (dont Depardon et Borneo ont co-signé le mastering du très joli Stellar Fantasies) sont passées par là et le rendu est assez génial.
Voilà : Olivier Depardon rules for ever !
Stéphane Monnot
Olivier Depardon – Avec du noir avec du blanc
Label : Petrol Chips
Date de sortie : 11 mai 2018