Une journée au Download Festival, qui se déroulait entre le 15 et le 18 juin sur l’ancienne base aérienne de Brétigny-sur-Orge, pour assister au sets ébouriffants de Strarcrawler et Slaves, et à celui pas sage de Wolf Alice.
A ma grande honte, je n’avais tout simplement jamais entendu parler du Download Festival, festival a priori consacré au « vrai Rock », donc aux musiques lourdes et / ou violentes, et se déroulant sur un terrain d’aviation à une cinquantaine de kilomètres au sud de Paris… C’est l’annonce du passage de Starcrawler qui a attiré mon attention, et m’a finalement décidé à prendre ma place en ce dimanche de fête des pères au climat parfait pour ce genre de festivité : un peu frais mais pas trop, et surtout… sec !
En arrivant vers 13h15, je découvre un site des plus agréables (…surtout quand le soleil perce derrière les nuages, ce qui sera le cas à partir du milieu de l’après-midi) avec de superbes avions de collection exposés entre les 4 scènes et les habituels stands de bouffe, de bière, et de t-shirts… Et avec un public bon enfant et venu avec la très claire intention de profiter au maximum de la journée. Cool !
Je retrouve l’ami Xavier devant le Warbrick Stage, puis Robert vient nous faire un petit coucou, c’est une ambiance très détendue qui règne devant la scène, il y a pas mal de nationalités – souvent des touristes visitant Paris et profitant de l’occasion pour venir se rincer la tête avec du gros son – et on sent un agréable mélange de curiosité et de bienveillance dans la foule.
14h10 : Starcrawler ouvre donc les hostilités en ce dimanche, et la lumière du jour n’est pas forcément idéale pour nos Angelenos que l’on imagine plus à l’aise dans les caves les plus obscures.
Starcrawler – Download Festival
Henri Cash ouvre le bal avec le désormais classique Ants, avec sa guitare énervée, ses petits sauts à la Pete Townshend, ses mimiques marrantes et sa tenue rockabilly très classe : le mec est toujours aussi sympathique. A droite, Tim Franco à la basse est toujours aussi impassible, frôlant la caricature, tandis que Austin, le batteur-fondateur du groupe, est l’image parfaite du musicien qui assurera en toutes circonstances une rythmique impeccable point-barre, avec nonchalance et professionnalisme. Arrow de Wilde apparaît pour nous offrir, sans surprise pour nous qui avons déjà vu le groupe sur scène, 40 minutes de son habituel spectacle maladif et dérangeant… même si elle semble à la lumière du jour bien plus saine que la dernière fois au Point Ephémère (on avait appris par la suite que le groupe avait abusé de substances toxiques la veille à Amsterdam, ce qui expliquait l’ambiance délétère et la brièveté du set…) ! Elle ira néanmoins confronter les photographes de manière particulièrement désagréable (Robert me confiera plus tard qu’elle a attrapé ses lunettes et les a balancées au loin…).
Dans ces circonstances plus ordinaires, je dirais que Starcrawler sonne surtout comme du « good clean fun », dans l’esprit éternel du rock’n’roll, que comme un groupe particulièrement pervers, malgré les contorsions et les regards venimeux d’Arrow. Et c’est très bien comme ça ! On passe donc une belle demi-heure à headbanguer, à chanter « I love LA« , à apprécier les prouesses de Henri, jusqu’à ce qu’on arrive au fantastique enchaînement de Pussy Tower et de Train (ma préférée, très courte, trop courte !) qui annonce la fin trop proche d’un petit set particulièrement efficace.
Arrow va se remplir la bouche de son faux sang, il va falloir faire attention d’autant que, alors que Chicken Woman entre dans sa phase finale d’accélération, elle descend de scène pour venir chercher des noises aux spectateurs du premier rang. Impossible de lui échapper, même en me reculant, quand elle se jette sur moi toutes griffes dehors. Assez désagréable quand même de se sentir griffé sur le visage, et j’avoue que je ne sais pas trop comment réagir… Elle se tourne alors vers mon ami Xavier à ma gauche, tente de lui arracher ses protections auditives et finit par lui déchirer son cher t-shirt des Replacements. Pas vraiment fun, ce genre de conneries… Puis, sans doute contente de son coup, la voilà qui disparaît, laissant le groupe terminer seul la chanson. Ce qui se passe sur scène est quand même dans un tout autre ton, au point qu’on peut parler de réelle schizophrénie au sein de Starcrawler : Henri descend dans le public pour aller chercher un enfant qu’il fait monter avec lui sur scène, et auquel il montre comment faire un accord sur sa guitare. D’abord impressionné, le minot finit par se prendre au jeu, et ce sera lui qui terminera la chanson devant les acclamations du public… et à la joie des musiciens visiblement ravis ! Une conclusion vraiment sympathique à ce joli set après la ridicule agression d’Arrow…
« Wolf Alice alterne rock indie typique, rêveries shoegaze, ambiances plus progressives, accélérations garage-punks, balades folky ou classic rock, sans qu’on ne sache vraiment jamais sur quel pied danser. »
Wolf Alice – Download Festival
Il est temps d’aller migrer vers la Grande Scène (le Main Stage, pardon…) pour découvrir Wolf Alice, groupe indie anglais dont la réputation a du mal à franchir la Manchester et qui a tendance à laisser le public français un peu sceptique avec ses albums assez indécidables. Pas de vrai problème pour atteindre le second rang, en profitant des mouvements du public allant et venant entre les scènes pour faire son choix dans le menu copieux proposé par Download 2018…
15h30 : le soleil commence franchement à se manifester, perturbant quelque peu l’atmosphère fantastique que Wolf Alice voudrait sans doute attacher aux morceaux de son dernier album, « Visions of a Life »… Je dis sans doute, mais rien n’est moins sûr, car malheureusement, Wolf Alice sur scène, c’est tout aussi confus et confusant que sur disque. Car nos quatre sympathiques jeunes gens, avec leur superbe – reconnaissons-le – chanteuse-guitariste Ellie Rowsell, jouent quand même un peu de tous les genres, alternant rock indie typique, rêveries shoegaze, ambiances plus progressives, accélérations garage-punks, balades folky ou classic rock, sans qu’on ne sache vraiment jamais sur quel pied danser. Il y a heureusement de temps en temps une belle énergie qui se dégage, mais cette énergie semble sans but et sans fondement, et se dissipe sans qu’on ait vraiment eu le temps d’y adhérer, de se laisser emporter. Je constate que, autour de moi, l’indifférence descend sur la foule, en dépit d’une conclusion un peu plus dure et intense avec l’enchaînement de Sadboy et Giant Peach…
Bref, un groupe pas dénué de talent mais largement perdu, sans doute du fait d’une absence cruelle de vision et de direction. Un concert plus que dispensable, qui n’avait sans doute pas vraiment non plus sa place dans un festival consacré à des musiques bien plus… euh… déterminées !
Slaves – Download Festival
Retour vers le Warbrick Stage pour assister à la prestation de l’un de mes groupes chouchous de ces dernières années, Slaves ! Presque personne devant la scène pour le moment, tout le monde est occupé à boire des bières au soleil, ce sera parfait pour bien se placer au premier rang devant Laurie, mais aussi un peu à l’écart de la zone où, traditionnellement, ça pogote dur et ça remue sec aux concerts des deux militants anti-système de Royal Tunbridge Wells. Le temps de décevoir mes voisins, originaires de Floride, qui étaient tous contents d’être venus applaudir Slaves, le groupe californien de post-hardcore, et on est prêt pour la tuerie de l’après-midi.
17h00 : « Non, rien de rien, non je ne regrette rien… » s’élève sur la sono pour annoncer l’entrée de Laurie et Isaac, et même si dire que Piaf était une ancêtre du punk est sans doute faire un trop grand écart, eh bien cela sonne pourtant curieusement de circonstance ! D’ailleurs la moitié du public chante, et Laurie et Isaac semblent ravis de leur coup… ! Et attaquent dur, très dur, avec le fantastique Sockets, le morceau qui réactive immédiatement dans votre tête le syndrome ’77. Cela s’appelle le bonheur : ces percussions démentes, ces cris de rage, cette guitare qui sature à mort, avec le (petit mais hautement symbolique) mur de Marshalls derrière Laurie, c’est bien sûr pour ça qu’on est venu à Brétigny ! « It wasn’t her fault / She makes sugar taste like salt / Cause she was so sweet / Now you’re shuffling your feet with your hands in your pockets… »
Ceux d’entre nous qui avaient assisté au mauvais set de Slaves en première partie de Kasabian au Zénith redoutaient sans nul doute un épuisement de l’énergie, voire un syndrome du bavardage inutile : le set de cet après-midi nous a tous rassurés, la combativité et l’efficacité de Slaves sont intactes, et en un peu plus de 45 minutes, nous n’aurons droit cette fois à aucun gras, à aucun débordement déplacé. Seulement la musique, seulement une succession de brûlots hargneux, mais délivrés avec la juste dose de bonne humeur, et d’humour bien entendu, qui font digérer tout cela en évitant les brûlures d’estomac.
Ninety Nine (« Talked to a mannequin the other day / She had fuck-all to say / To me / Such a shame / Looks are deceiving… ») et l’impeccable – et furieux – Cheer Up London (« Are you done digging your grave yet? / Put another 0 in your paycheck / Are you done? / You’re dead, already, dead, dead, already-ready / Dead !!! ») font encore monter d’un cran la rage. On hurle avec eux, « Already Dead Dead Dead ! », et les slammers commencent à déferler. Le service d’ordre, visiblement peu habitué à ce genre de pratiques, panique un instant, puis la routine s’installe : un à un on extirpe du chaos les corps, on les dépose soigneusement, et les voilà qui se relèvent, et repartent en rigolant pour replonger dans le maelstrom… Isaac et Laurie, mine de rien, ont remarqué le désarroi, puis l’application de la security, ils ont l’élégance de faire un break et de venir remercier, serrer la main des videurs. Bon esprit, nos p’tits prolos anglais !
S’il y a une chose à noter à propos de la setlist de cet après-midi, c’est l’absence quasi-totale des titres de « Take Control », il est vrai inférieurs à ceux du premier album sur lequel on se concentre désormais. Pas mal de nouveaux morceaux aussi, bien dans le même esprit. Bref, pas de coup de barre chez nos Slaves, qui portent toujours fièrement la bannière du Rock social et engagé que le Clash a brandie il y a désormais… quarante ans.
Une chose que je remarque, et qui ne m’avait pas frappé auparavant, c’est la complicité amicale qui unit Isaac et Laurie, qui prennent tous deux visiblement toujours autant de plaisir à jouer ensemble. Bref, Slaves, à la différence de la plupart des combos du genre, ont l’air d’avoir tout ce qu’il faut pour durer. Le set se termine par l’enchaînement imparable de Sugar Coated Bitter Truth, Beauty Quest et le fabuleux The Hunter. Un set de 45 minutes magistral, une musique totalement dans son époque (« Fuck the Hi-Hat! Fuck the Hi-Hat! ») mais qui sait célébrer le souvenir des premiers combattants du punk. Laurie et Isaac, on vous AIME !
« The feeling is mutual / You don’t like what we do / Because we say what we are thinking / And that shocks and frightens you / The lion in the jungle shows no shame, it shows no pride / It does what it needs to to stay strong and to survive / The hunter… »
Dans une heure il y a nos grands amis de The Hives qui vont essayer de – et sans doute réussir à – mettre le feu aux pistes d’atterrissage. C’est tentant de rester, mais c’est très bien aussi de boucler la journée sur ce très beau set de Slaves. A l’année prochaine, Download ! »
Textes et photos : Eric Debarnot
Les musiciens de Starcrawler sur scène :
Arrow de Wilde – vocals
Austin Smith – drums
Henri Cash – guitar, vocals
Tim Franco – bass
La setlist du concert de Starcrawler :
Ants (Single – 2017)
Used to Know (Single – 2017)
Love’s Gone Again (Starcrawler – 2018)
I Love LA (Starcrawler – 2018)
Let Her Be (Starcrawler – 2018)
Different Angles Again (Starcrawler – 2018)
What I Want (Starcrawler – 2018)
Pussy Tower (Starcrawler – 2018)
Train (Starcrawler – 2018)
Chicken Woman (Starcrawler – 2018)
Les musiciens de Wolf Alice sur scène :
Ellie Rowsell – lead vocals, guitar
Joff Oddie – guitar, synthesizers, vocals
Theo Ellis – bass, vocals
Joel Amey – drums, vocals
La setlist du concert de Wolf Alice :
Your Loves Whore (My Love is Cool – 2015)
Yuk Foo (Visions of a Life – 2017)
Beautifully Unconventional (Visions of a Life – 2017)
Don’t Delete the Kisses (Visions of a Life – 2017)
You’re a Germ (My Love is Cool – 2015)
Visions of a Life (Visions of a Life – 2017)
Sadboy (Visions of a Life – 2017)
Giant Peach (My Love is Cool – 2015)
Les musiciens de Slaves sur scène :
Laurence « Laurie » Vincent – guitar, vocals
Isaac Holman – drums, vocals
La setlist du concert de Slaves :
Intro (Non, Je ne regrette rien)
Sockets (Are You Satisfied ? – 2015)
Live Like An Animal (Are You Satisfied ? – 2015)
Ninety Nine (Are You Satisfied ? – 2015)
Cheer Up London (Are You Satisfied ? – 2015)
Chokehold (new song)
Fuck the Hi-Hat (Take Control – 2016)
The Lives They Wish They Had (new song)
Where’s Your Car Debbie? (Single – 2014)
Cut and Run (new song)
Photo Opportunity (new song)
Sugar Coated Bitter Truth (Are You Satisfied ? – 2015)
Beauty Quest (Sugar Coated Bitter Truth EP – 2012)
The Hunter (Are You Satisfied ? – 2015)
La première chanson du concert de Starcrawler est « Castaway »… Ensuite « Used to know » et après « Ants » !