Décidément, la série noire continue avec Anon, le nouveau film d’Andrew Niccol, qui ne remonte pas le niveau des récentes productions Netflix.
« Il ne faut pas désespérer Billancourt », on le sait, mais un certain abattement nous saisit à chaque fois que l’on termine un nouveau « Netflix-Movie » : on a été attiré par le pitch, par les noms prestigieux au générique, par les budgets visiblement conséquents alloués à des projets ambitieux, et à chaque fois, ça se termine par une amère déception, comme si ce qui fait l’essence du Cinéma (majuscule, s’il-vous-plait !) échappait définitivement à la compréhension de la nouvelle firme monstrueuse de l’entertainment globalisé. Comme s’il y avait une – juste ? – malédiction qui réduisait toutes ses tentatives à de risibles objets de consommation, incapables du moindre impact. Que diable manque-t-il à ce cinéma, qui, respectant paradoxalement la vieille « politique » à la française, semble laisser à des « auteurs » – mineurs certes, mais des auteurs quand même – carte blanche pour réaliser leurs visions ?
Même si Clive Owen n’a plus depuis longtemps l’aura que lui a conféré son rôle inoubliable dans Children of Men, même si la carrière d’Andrew Niccol a été une déception incontestable après des débuts tonitruants, l’alliance de ces deux noms dans un thriller futuriste conceptuel avait tout d’une promesse. Et, avec son faux air d’épisode à gros budget de Black Mirror, la première partie de Anon intrigue et séduit : une esthétique rétro-futuriste à forte personnalité, une narration patiente et précise, une mise en scène soignée, la projection intelligente de questionnements contemporains sur l’intimité face à l’invasion de l’information permanente et sur notre perception d’une réalité de plus en plus « augmentée »… on embarque avec plaisir pour un bon trip de SF intelligente…
… Sauf que, peu à peu, une impression de vacuité phagocyte le film, vacuité qui n’est visiblement pas volontaire ! Le dépouillement que l’on trouvait élégant s’avère maniérisme, avant de devenir littéralement pénible. L’intrigue est des plus convenues, en forme de « whodunnit » (dixit le personnage joué, de manière très peu convaincue, par Owen) lourdingue, avec apparition finale capillotractée – et fort précipitée – d’un coupable improbable, alors que l’on a depuis longtemps sombré dans l’ennui. On s’irrite devant la grossièreté des changements de formats de l’image, conçus pour guider lourdement le téléspectateur distrait ou idiot entre la « vraie » réalité et la « fausse ». On peste devant l’absence de tout vertige métaphysique un peu consistant que devrait créer cette indécision permanente par rapport à ce qu’on voit, à ce dont on se souvient : on n’est malheureusement pas chez Philip K. Dick, alors que le sujet se prêtait parfaitement à ce genre d’exploration hallucinée de nos doutes existentiels…
Les derniers mots prononcés par Amanda Seyfried – actrice incompétente du début à la fin du film – résonne alors comme un étrange aveu de programme inaccompli : « Je n’avais rien à cacher, je voulais seulement ne rien vous montrer ». Ça aurait pu donner un film passionnant à l’heure de notre surexposition sur les réseaux sociaux, c’est seulement le triste constat que l’on fait devant ce nouvel échec d’Andrew Nicchol : Anon ne nous a rien montré de consistant et n’avait pourtant rien d’intéressant à cacher.
Eric Debarnot
ANON
Film américain DTV (Netflix) réalisé par Andrew Niccol
Avec : Clive Owen, Amanda Seyfried, Colm Feore
Genre : Science-fiction, Thriller
Durée : 1h40mn
Date de mise en ligne : 4 mai 2018