A peine quelques mois après la déflagration Punk du premier album, Les Clash remettent le couvert. Mais cette fin des seventies se veut mouvante, insaisissable. Nos Punks Anglais sont en plein vent, les sens en éveil, et reniflent ce melting-pot musical inédit qui s’empare de Londres. Les Clash restent encore Punk, mais une mutation est bel et bien en train de s’accomplir.
1978 !! Deuxième album des Clash.La vague Punk qui avala les bonnes manières Anglaises et déséquilibra le joli diadème à 10 millions de Livres de sa majesté « The Queen », commence à retomber.
Cette vague se retirant doucement, abandonne sur le bord de la tamise, un sacré paquet d’épingles à nourrice sans talent et de crêtes en faux cheveux, ne laissant que l’essentiel, que le bon.
La crème d’un mouvement contestataire prolétaire évacuant bobos « fashion » s’amusant à se faire peur avec leurs jolis cuirs bien cirés et leurs crêtes de toutes les couleurs ou bien ces petits capitalistes déguisés en ado boutonneux, espérant récupérer le désespoir d’une jeunesse malade et se faire quelques biffetons avec.Dans cette crème de la crème, il ne reste plus grand monde hélas.
Très peu de survivants dans cette hécatombe Rock’n’Roll. Les fers de lance du mouvement, eux mêmes, ont explosés en vol.
Les sulfureux Pistols n’ont pas tenu le choc, ni la longueur. Problème de came, d’ego, de Malcom MacLaren. Vicious s’enfoncera, comme ces seringues d’héro qu’il se vide goulûment dans les veines, irrémédiablement dans l’excès et la folie, aidé par la fatale Nancy Spungen, sa muse aux joues creuses et aux bras meurtris.
Johnny Rotten, le chanteur, redeviendra John Lydon et montera Public Image Limited groupe phare du Post-Punk et formation majeure de la toute nouvelle Cold Wave.
Le Boy’s band Punk ne vivra, au final, que très peu de temps; s’appliquant à eux-même l’adage qu’ils avaient fabriqué : Le fatal « No Future ».Avec les Buzzcocks et quelques autres, les Clash gardent la barre et résistent à la lente agonie d’un genre mis au monde pour être mis à mort.
Le difficile challenge du deuxième album est en passe d’être réussi.
Strummer vire Rhodes, leur manager historique, pour divergences « musicalo-pognonesque », et engage Sandy Pearlman.
Pearlman producteur de la mouvance Heavy-Metal, lisseur de sons, sorte d’équalizer médium humain, qui ne parviendra qu’à moitié à faire de la musique du Clash – ce torrent tumultueux charriant des kilos de rocailles dans un fracas de tout les diables – une plage de sable fin où un pauvre touriste Allemand paumé se ferait bronzer la raie.
La fin du premier album laissait entrevoir que ce groupe politiquement radical, pouvait être beaucoup moins sectaire sur le plan musical.
La reprise du Police and thieves de Junior Murvin sur le 1er album montrait les ramifications entre Punk, Reggae, Ska et autres mouvances Jamaïcaines.
Give ‘Em Enough Rope malgré un son quelque peu édulcoré par un producteur ne sachant pas ce qu’était le Punk et les Clash, réussit un subtil mélange de rythmes.
Du Punk bien couillu, mais aussi des mélodies plus Pop et quelques lignes Reggae/Ska bien senties.
La musique des Clash est en pleine évolution, en pleine ébullition.
On sent que le costume « Punk » se fait de plus en plus étroit sur les épaules du groupe. Qu’ils veulent évoluer, qu’ils veulent faire péter les barrières musicales clivantes, classant gentiment untel avec untel parce qu’il porte une crête, une moustache ou une plume dans le cul.
En bon anars, les Clash suivent cette piste, la piste du melting-pot musical.
Le sillon de l’anti-racisme auditif, où la « big » claque sur le museau que te file la pureté Rock d’un Safe European home ou d’un English civil War est contrebalancée par le doux saxo Pop de Stay Free ou le joli petit piano « New Orleans » de Julie’s been working for the drug squad.
Le Clash, en cette année 1978, commence doucement à s’émanciper du Punk et ses codes.
Voyant la tournure que prenait ce mouvement récupéré en tout sens et sous toutes les formes par les tenants d’une industrie musicale comprenant l’argent qu’ils pourraient se faire en le « dessalant », en l’ « affadissant » pour les oreilles mainstream d’une Angleterre encore foutrement pudibonde.
Des Clash s’épanouissant avec le succès de ce 2ème album.
Quittant cette chrysalide « Punk » devenue trop étroite, déployant leurs ailes bien plus grandes qu’ils ne les imaginaient, fixant le soleil et se préparant pour l’envol définitif qui aura lieu sur: London Calling.
Renaud ZBN
Give ‘Em Enough Rope est sorti le 10 novembre 1978 chez CBS Records