London Calling est passé et vient d’ouvrir de nouvelles voies pour tout un pan de ce Rock dit « Alternatif ». Les Clash ont pompé toute l’énergie que Londres avait à offrir et décident de s’arracher pour la « Big Apple » pour voir ce qui s’y passe. Et des choses il s’en passent à New-York dans ce début des eighties ! Les quatre Anglais vont trouver de quoi alimenter leur recherche insatiable de modernité et vont cracher d’un seul jet, sans tabous, sans relecture, le ressenti d’une époque et d’une ville en pleine effervescence créative. Un beau bordel en somme !
La claque London Calling a déferlé sur le monde popularisant le Punk, pour tout de suite après, lui mettre une balle dans la tête.
Les Clash ont tués la « vague » Punk, brûlés ses oripeaux « fashion » pour ne garder que la « substantifique moelle » libertaire. Cet album a permis aux Clash de s’émanciper complètement de ce carcan musical que représentait le Punk et d’ouvrir des voies musicales insoupçonnées pour nos 4 Rockers Londoniens.
La tournée London Calling terminée, le groupe se remet au boulot ne laissant pas refroidir la machine, profitant de cette tension créative et énergisante que le temps et le succès naissant, n’avaient pas encore réussis à altérer.
C’est la tête ouverte aux 4 vents et les mains libres qu’ils s’attaquent à leur nouvel album.
New-York sera la ville choisie pour l’enregistrement de cet album. Bonne pioche !
« The Big Apple » est en pleine effervescence en ce tout début des eighties.
Le cinoche de Scorsese, de Ferrara, les séries B cradingues de Lustig et Spinell. C’est ça le New-York de 1980 !
C’est le New York 1997 « Carpenterien » qui prend vie, un coupe-gorge à ciel ouvert.
Mais entre les balles et les coups de lames de ce ghetto à buildings, il y a l’Art ! Une véritable tempête artistique.
Ça dégueule des flots de créativités par jets ininterrompus. Des clodos qui hantent les ruelles, les redécorant de dessins d’enfants héroïnomanes tel Jean Michel Basquiat.
Les murs noirs de cette cité pourrie suintants de crasse et dégoulinants d’un art nouveau. Des tags !
Des inscriptions tribales qui t’entourent et t’oppressent. Sorte de murs de mots, langage inconnu, un verbe « Lovecraftien » à te filer froid dans le dos.
Puis une musique. Un son. Un rythme nouveau. La langue New-Yorkaise, un flot de mots cassant le béton des tours pour prendre vie, une tchatche à 200 à l’heure, urgente, sur un rythme Funk : Le RAP !
Des Blacks en survêt, un « Ghettoblaster » de 10 kilos collé aux oreilles et beaucoup…beaucoup de choses à dire.
C’est là-dedans que les Clash vont écrire Sandinista!, dans ce bourbier pluri-ethnique et multi-culturel, où tout se mélange et se tripote sans se laver les mains.
Dans ce tourbillon et juste un an après le double-album London Calling, les Clash nous lâche un triple album.
36 Titres !! Et au prix d’un seul. Une victoire après un bordel et des coups de gueule mémorable avec leur maison de disques.
Sandinista! est le prolongement naturel de London Calling.
Bigger and louder ! Les Clash ne réfléchissent pas, ne s’accordent aucunes limites, emmerdent les genres et les pisse-vinaigre.
Ils créent ! Ils inventent ! Ils mélangent ! C’est un livre. Un dictionnaire ouvert sur la page « musique ».
Du Rock, du Rythm’n’Blues, du Gospel, du Funk, Reggae, Ska, Electro…Et du Rap ! Du « Putain » d’Rap !!
Ces 4 Punks Londoniens biberonnés aux Stones et aux Stooges qui te balancent avec Magnificent Seven le morceau qui popularisera le « Peuh-ra » encore bien underground sur les ondes.
C’est un pur album New-Yorkais que nous crachent les British.
On le sent. On sent ces odeurs de hot-dogs et cette fumée s’échappant de ces bouches infernales.
On le voit. Cette musique agressive comme ces néons rouges accrochés aux immeubles t’empêchant de dormir.
Il y a beaucoup. Il y a trop, diront certains. Tout n’est pas parfait, certes. Mais tout est honnête. Tout ces styles, toutes ces expérimentations (qui influenceront durablement le Rock Alter’) forment un ensemble cohérent.
On n’écoute pas du Rock, du Rap ou de la Funk ! On écoute Les Clash !!
C’est l’appropriation de LA musique et le modelage de celle-ci par une vision artistique, qui malgré son apparente anarchie, est pensée et travaillée de bout en bout.
Sandanista! est un foutoir !
Une chambre d’ado mal rangé, où tu marches sur tout et n’importe quoi.
Un ado à qui tu a envies de filer 2 claques dans le museau en voyant l’état de sa chambre, sauf que tu te rends compte que finalement tout y est parfaitement clair, visible et rangé sous cette apparence chaotique.
Sandinista! c’est un bordel. Un bordel magnifique !
Renaud ZBN
Sandinista! est paru le 12 décembre 1980 chez CBS Records