Les Clash sont fatigués. Cinq albums en cinq ans (dont un double et un triple). Les moteurs sont à bout de souffle, les envies divergent, la came et les égos brûlent les âmes. Il faut pourtant le faire ce cinquième album, le fabriquer avec toute la négativité qui règne dans le groupe et sa starification inéluctable. C’est la tristesse qui sera le fil conducteur de l’album, le dernier liant d’un groupe en pleine déliquescence. Les Clash crachent leur chant du cygne sous un ciel gris, un ciel plein de spleen et d’illusions perdues.
En cette année 1982, les Clash viennent de mourir. Sale temps pour le Rock.
1982 !
Les Clash rentrent d’Asie où ils ont écumé les salles de concert Thaï, Jap et Noiche à fond la caisse.
La tête dans le guidon depuis leur début, comme redoutant une accalmie propice aux doutes, aux affres de la création, aux problèmes relationnels.
Revenus dans ce Londres où le Punk n’est plus qu’une vieille affiche oubliée sur le mur humide d’un cul de sac, un mauvais souvenir sentant le soufre et la bière. Les problèmes de personnes et les querelles créatives surgissent et explosent après avoir été trop longtemps contenues.
Strummer et Jones ne sont plus sur la même longueur d’ondes.
Strummer rêve d’un retour aux sources Rythm’n’Blues, alors que Jones ne jure que par le « New sound », machines infernales et autres samplers d’époque.
Topper Headon passe plus de temps à s’injecter son venin brûlant qu’ à taper sur ses fûts, tandis que Simonon continue de bosser sa basse peinard, splif en bouche.
Il faut avancer, continuer. Sortir coûte que coûte ce cinquième album.
Retour à Vanilla. Il faut tenter de retrouver une flamme, un liant, une putain de cohésion de groupe.
Retourner sur les lieux de ce bordel magnifique qu’a été Sandinista! pour rechercher vainement un bout d’inspiration à 4, une ligne conductrice.
Mais c’est une amitié déchirée qu’ils trouvent dans ce studio, les souvenirs de 4 gamins utopistes devenus des adultes stars.
Et pourtant, au milieu de ce désenchantement, de ces nouvelles haines; ils parviennent à écrire. Et pas n’importe quoi !
Un album étonnant, étrange même.
Un disque déprécié par les fans pour cause de tubes interplanétaires tels Should I Stay or Should I Go ou Rock the casbah.
Un drôle de disque où tout n’est pas parfait (loin de là !) mais d’où émergent une certaine cohérence.
Cet album que chacun a écrit dans son coin, le pif dans ses certitudes, ses vérités et ses regrets.
Pas de véritable fil conducteur. Le liant musical n’existe pas sur cet album.
On assiste à des chansons de Strummer ou Jones mais pas des Clash.
Mais il y a une harmonie évidente, une cohérence émotive dans ce disque : La tristesse.
Quelque chose s’est cassé. Les sentiments sont perdus. Ça sent la fin.
Quelques tubes « sourire » plantés dans ce tas de mélancolie sur vinyle.
Mais Straight to hell, Ghetto Defendant ou Atom tan donnent cette couleur si étrange, cette lumière tamisée, cette tristesse qui domine tout, les chansons et les êtres.
Qui fait de cet album mitigé le véritable adieu des Clash à la musique.
Qui clôture la carrière d’un groupe majeur de la scène Rock par quelques larmes de chagrin et de la mélancolie pour la fin d’une si belle aventure.
Les Clash sont morts ! Vive les Clash !!
– Mais Tonton ?? Et Cut the crap ???
– Mais de quoi tu me parles ?!
Renaud ZBN
Combat Rock est sorti le 14 mai 1982 chez CBS