Encore un thriller politique en format mini-série ? Oui, mais cette fois, parce que Secret City nous vient d’Australie et nous parle d’autres conflits géopolitiques, on veut bien se laisser prendre au jeu…
Secret City n’est sans doute pas formellement une série extraordinaire, même si elle témoigne bien du professionnalisme actuel du genre : de bons acteurs (c’est toujours un plaisir de suivre la superbe Anna Torv, même si son jeu n’a ici rien d’original…), une belle mise en scène sobre accentuant les tensions sans trop d’exagération, une narration plutôt lisible pour un scénario beaucoup plus complexe que la moyenne… rien à redire, si ce n’est les habituelles petites invraisemblances çà et là dans le comportement des personnages qui l’empêche d’atteindre à une crédibilité totale.
Mais Secret City est d’abord une production australienne, qui traite de sujets « australiens », en particulier des difficultés d’alignement politique avec les US et / ou avec la Chine dans le bras de fer qui se joue depuis quelques années en Mer de Chine, mais aussi de manière plus large, des rapports entre l’Australie et son puissant voisin, ce qui confère à la série un aspect frais et original pour nous, qui ne sommes pas forcément au fait de la politique de nos amis Aussies… Néanmoins, cette focalisation géographique ne signifie pas que Secret City ne puisse qu’intéresser les Australiens, puisque, d’une part, les scénaristes de Joanna Werner s’inspirent visiblement de la fameuse affaire Bradley Manning, et surtout, parce qu’ils placent au centre de leur imbroglio « policier », la question de la diminution, voire de la liquidation des libertés civiques face à la menace terroriste, soit un sujet dont on sait bien qu’il concerne toutes les démocraties (on notera la mention à un moment des attentats à Paris…).
En délaissant la voie classique du thriller pour mettre en branle les ressorts du film d’espionnage, en préférant les ambiances paranoïaques et anxiogène à l’action – très peu présente ici finalement – et à la résolution rapide d’une énigme passablement embrouillée, Secret City effectue des choix courageux, même s’ils ne sont pas toujours efficaces : il est en effet tentant de baisser les bras parfois devant les doubles jeux pratiqués par hommes politiques et espions, et de trouver que le final noir qui voit les « méchants » triompher largement – qui a dit « comme dans la vie ? » – est certes inhabituel, mais sert aussi de teaser facile pour une seconde saison…
On ne pourra que remarquer aussi le souci de prendre en compte dans le contexte de l’histoire la mutation des mœurs qui est en train de s’accomplir en Australie aussi, avec le fait de faire d’un personnage (central à l’action) un transgenre, ou de mentionner en passant l’homosexualité d’un autre, sans en faire toute un drame. Il s’agit clairement là de gestes politiques, peut-être un peu forcés, et ce d’autant que l’intégration des nombreux rapports sexuels entre les personnages, largement assimilés à des scènes de manipulation, n’est pas ce que Joanna Werner réussit le mieux, mais ce sont des gestes révélateurs d’une inscription saine de « Secret City » dans l’actualité.
En l’état, sans être une grande réussite, Secret City constitue une bonne surprise en matière de série adulte et ambitieuse.
Eric Debarnot