Dans son premier roman, Didier Delome évoque sans pathos ses années de galère, quand lui, l’ancien galeriste tombé dans la misère, tente de relever la tête par le biais de l’écriture et grâce à la bienveillance d’une dame.
Credit photo : Le Dilettante
Il le sait depuis longtemps, ça devait finir comme ça. Le cortège des expulseurs va débarquer dans sa galerie pour le mettre définitivement dehors avec ses animaux. Il ne veut pas leur offrir ce plaisir, il va organiser sa sortie de chez lui et de ce monde. Il prépare minutieusement son suicide mais comme trop souvent dans sa vie, il le rate. Perdant il est, perdant il restera même à l’approche de sa mort. Il était galeriste, dandy flambeur, possédait un vaste loft où il exposait les œuvres qu’il voulait vendre, laissait vivre sa ménagerie personnelle : des chats, des chiens et cinq perroquets, et habitait personnellement. La vie était belle, il ne comptait pas, il a progressivement décliné jusqu’à crouler sous les dettes après avoir utilisé toutes les ficelles, tous les artifices, toutes les astuces plus ou moins honnêtes pour calmer ses créanciers. Il est arrivé au bout de sa vie de galeriste flambeur, il a raté sa sortie, il doit abandonner ses animaux chéris faire face à son avenir.
Son avenir n’est pas si noir qu’il le croyait, une petite lueur brille encore au bout se son chemin, une certaine Madame M, une fonctionnaire des services sociaux convaincue qu’il pourra s’en sortir si elle lui donne le coup de pouce nécessaire à l’installation dans une nouvelle vie. Pour commencer, elle lui trouve une chambre d’hôtel payée grâce à diverses aides mais pour huit jours seulement. Huit jours qu’elle renouvellera de très nombreuses fois en se faufilant dans le maquis des aides sociales. Mais les aides ne sont pas éternelles même si elles peuvent durer un bon bout de temps. Il faut qu’il trouve un travail et, là encore, la « bonne fée » se démène comme une diablesse pour lui trouver des stages, des formations, des entretiens d’embauche mais rien n’y fait, personne ne veut d’un bientôt soixantenaire asthmatique et enveloppé. Il n’a pas envie non plus de travailler pour un autre, lui qui a toujours été son seul maître. Il a une autre idée…
L’éditeur écrit que « Didier Delome raconte ses jours de dèche », je veux bien le croire, je ne connais pas ce personnage. Ces jours de dèche l’ont ramené au rudiment de la vie, au stricte nécessaire de l’existence même si, grâce à la « bonne fée », il n’a jamais connu la rue. C’est la dèche mais pas la galère destructive que beaucoup d’autres ont connue. Cette nouvelle façon de vivre avec pour seule préoccupation de dépenser le moins possible pour pouvoir manger encore le lendemain, lui permet de découvrir la ville autrement. Il fait de longue balade, découvre des coins charmants et agréables qu’il n’avait même jamais remarqués auparavant. « …je m’arrête dans un square ravissant rue de Bretagne, devant lequel je passais avant des millions de fois sans jamais y prêter attention ni m’y arrêter. Aujourd’hui j’apprécie de m’y reposer à l’ombre … »
Il découvre surtout qu’on peut vivre sans aucune pression, sans le souci de paraître, de gagner beaucoup d’argent, d’épater la galerie, ses alentours et la ville entière. « Une nouvelle vie commence pour moi ; bien plus prometteuse que ce je viens de connaître ces derniers mois si déprimants … ». Il redécouvre les valeurs élémentaires de la vie, « Je me réhabitue aux joies infimes de l’existence », d’autant plus qu’il a eu une bonne idée : écrire ses pérégrinations dans le maquis de l’administration pour bénéficier des aides sociales tellement vantées par les politiciens et dans cet autre encore plus touffu de la recherche d’un emploi. L’idée est bonne mais il lui faudra aussi se faufiler dans le maquis de l’édition pour trouver un bon éditeur. Mais cela est une autre histoire que Didier écrira peut-être un jour… ? Le passage par la case redémarrage à zéro est parfois salutaire et salvateur.
Denis Billamboz
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Jours de dèche
Roman frnaçais de
258 pages – 18,00 €
Date de parution : 22 août 2018