Ito Ogawa nous propose cette année un roman sur l’art de l’écriture japonaise. Un récit rempli de poésie et de douceur qui marie avec bonheur modernité et traditions.
Credit photo : Makiko Doi-Popla
Ito Ogawa, qui nous avait émus avec son précédent ouvrage Le restaurant de l’amour retrouvé, publie en ce mois d’août, en France, ce roman qui se déroule lui aussi dans le milieu commercial. La gastronomie qui ne laisse pas indifférente l’héroïne de ce nouveau roman, est très présente dans ce texte aussi. L’auteure décrit avec gourmandise les petits plats que son héroïne partage avec sa voisine ou qu’elle déguste au restaurant. Mais ce texte est avant tout un hommage à l’écriture, à la calligraphie et à la correspondance épistolière japonaise avec toutes ses convenances et ses usages qui doivent être respectés pour ne pas froisser les destinataires quels que soient les circonstances et l’objet du courrier.
Tante Sushiko qui partageait sa vie avec l’Aînée avant le décès de celle-ci, étant elle aussi décédée, Hatoko est revenue à Kamakura dans la région de Tokyo pour reprendre la papeterie que sa grand-mère, l’Aînée, lui a léguée. Elle avait fui sa famille, elle vivait avec les deux femmes, en fait deux sœurs jumelles séparées à la naissance qui s’étaient retrouvées. Elle ne s’entendait pas du tout avec l’Aînée qui lui infligeait une éducation très rigoureuse et même sévère. Elle avait voyagé de part le monde et pour poursuivre la tradition familiale, elle voulait maintenir l’activité de la papeterie et surtout l’art d’écrivain public que sa grand-mère lui avait enseigné avec opiniâtreté et sévérité. Elle raconte sa passion pour la calligraphie et le travail d‘écrivain public à travers une série de courriers particuliers commandés par des clients qui n’osent pas, ou ne peuvent pas écrire, ce qu’ils voudraient dire à leur correspondant.
Poppo, comme on l’appelle dans le quartier, renoue avec ses voisins, redécouvre son quartier, vend les vieux stocks de sa grand-mère mais se consacre surtout à sa passion : le métier d’écrivain public. Elle raconte comment elle choisit, selon l’objet du courrier et la qualité du destinataire et du commanditaire le support, l’encre, l’enveloppe, le timbre, l’outil pour écrire, les caractères et comment elle mûrit son texte avant de le porter sur le support qu’elle a choisi avant de l’envoyer après l’avoir laisser reposer pendant une nuit sur son autel particulier.
Ce livre est à la calligraphie ce que « le livre du thé » d’Inoué est au service du thé. C’est la description d’un rituel ancestral qu’il faut respecter avec la plus grande rigueur dans chacun des gestes à accomplir et dans le choix des matériaux et outils nécessaires. C’est un rite quasi religieux, un rite qui permet de perpétuer la tradition dans le respect de ce que les anciens ont transmis depuis des siècles. Hatoko, Poppo, a repris la suite de l’Aînée pour perpétuer ce rite et le transmettre à des enfants qui pourraient prendre sa suite. C’est l’expression du Japon éternel même si l’héroïne introduit quelques nouveautés dans le rituel comme le choix de stylos à plume ou à bille ou de papier contemporain.
Ce livre c’est aussi l’expression d’une certaine forme de convivialité. Ito Ogawa met en scène des personnages doux, conviviaux, des gens à l’écoute des autres qui cherchent toujours à faire plaisir ou à rendre service. C’est une façon pour elle de démontrer qu’on peut mener une vie beaucoup plus agréable en respectant et écoutant les autres et qu’une vie agréable est possible en partageant avec ses voisins et amis. Poppo s’entend à merveille avec sa vieille voisine Barbara et noue une réelle amitié avec une fillette de cinq ans. Une autre façon de montrer que la mixité des âges est possible et même très agréable. On retrouve dans ce roman la même douceur et la même tendresse qu’on avait pu apprécier dans le précédent.
Ce livre est in fine un hommage au Japon traditionnel capable d’intégrer une certaine modernité sans altérer ses traditions et une leçon d’amitié et de convivialité à tous les grincheux de la planète.
Denis Billamboz
La papeterie Tsubaki
Roman japonais de Ito Ogawa
Myriam Dartois-Ako (Traduction)
Editions Philippe Picquier
384 pages – 20,00€
Paru le 23 août 2018