La parution de Go to School, le second album décalé des deux Lemon Twigs, semble avoir laissé plus d’un fan sur le carreau. Et pourtant, il y a de quoi y trouver source de bonheur !
1970, Californie. Les deux frères Mael, qui n’ont pas plus de 20 ans, qui sont les petits fils de Doris Day et qui ont été biberonnés à la comédie musicale, sont fans absolus de pop anglaise raffinée de la décennie précédente. Ils réalisent leurs deux premiers albums excentriques, avec l’aide, en particulier, de Todd Rundgren. Sparks est né.
2015, New Jersey. Les deux frères d’Addario n’ont pas 20 ans, ils sont fils d’un musicien méconnu qui les a sevrés avec tout ce que la pop des années 60 a créé de raffiné et d’excentrique. Ils ont découvert sur les planches l’art de la comédie musicale. Ils réalisent leurs deux premiers albums pour mettre un peu d’ordre dans toutes leurs idées créatives et invitent Todd Rundgren à participer au second. Ils s’appellent The Lemon Twigs…
Si l’on peut s’amuser devant l’histoire qui bégaie et souhaiter aux Lemon Twigs la même longévité et la même créativité que celles de Sparks (avec plus de succès commercial si possible…), on ne peut pas comparer complètement leur second album, Go to School, au splendide A Woofer in a Tweeter’s Clothing : trop d’innocence a été perdue en 50 ans pour ça, et trop de références viennent désormais polluer l’oreille de qui osera se perdre dans le labyrinthe mélodique surexcité des Lemon Twigs.
Depuis le brillant Do Hollywood, et surtout les ébouriffants concerts qui ont suivi, tout le monde connaît l’histoire des frangins glam, petits artisans infatigables de la musique pop (la vraie, l’éternelle…). Mais personne, parmi les rares prêts à miser sur la suite d’une histoire qui semblait promise à n’être qu’un bref feu d’artifices sans lendemain, ne les attendait avec un opéra Rock façon SF Sorrow ou Tommy (concept crétin compris…) subtilement contaminé par Broadway. D’où le scepticisme, d’où le rejet même de cet album, pourtant très objectivement supérieur à son prédécesseur : car qui va prendre le temps en 2018 d’écouter au moins 3 fois – répétition nécessaire pour s’y repérer dans une œuvre aussi foisonnante – la bonne heure que dure Go to School ?
A la fois prodigieusement sophistiqué avec ces mélodies divines (The Lesson, Rock Dreams, le gigantesque The Bully ) cachées derrière le kitsch trompeur d’une histoire de singe vivant la vie d’un adolescent américain, et toujours aussi direct et naïf (au sens artistique du terme, on pourrait dire « punk » aussi si le terme n’était attaché à une autre forme musicale), Go to School s’avérera sur la distance un enchantement pour tous ceux qui voudront bien arrêter de chercher des références envahissantes derrière le travail colossal et la générosité des frères d’Addario : oui, on entend aussi bien les Beach Boys, les Who, Bowie, Utopia, McCartney… mais on s’en fout ! Car on entend surtout le son divin de l’amour absolu de la musique. Du bonheur incomparable de composer, de jouer et chanter, puis d’écouter des mélodies irrésistibles.
Longue vie aux Lemon Twigs, qui viennent de passer avec brio l’étape du second album trop attendu ! Bénissons aussi tous les amoureux de la belle musique et les forcenés du DIY. Ils sont l’avenir de la musique car ils n’ont rien oublié de son passé.
Eric Debarnot
The Lemon Twigs – Go to School
Label : 4AD
Date de sortie : 24 août 2018
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