Les Antipodes seraient-elles autant les Antipodes sans l’éternelle pop néo-zélandaise ? C’est l’une des questions que peut poser le retour des Chills. Ou pas…
Credit photo : Fire records
Un peu l’histoire… Nous sommes dans les années 80 et la petite ville néo-zélandaise de Dunedin devient l’un des centres d’attention pour les amoureux éclairés de pop « classique » et d’indie rock, tant semblent y naître chaque semaine de nouveaux groupes passionnants, dont certains font le buzz jusqu’à Paris : c’est ainsi, en cette époque où Internet balbutiait, nous recherchons désespérément chez nos disquaires préférés les singles et les albums des Bats, des Tall Dwarfs de Chris Knox, de The Clean, et puis de The Chills, le groupe à géométrie variable de Martin Phillipps… A la fin de la décennie, après des débuts sous le signe de l’énergie débridée, ces derniers ont même acquis une jolie réputation à Paris et à Londres, grâce à leur très beau second album, Submarine Bells et à une chanson plutôt maligne, la bien nommée Heavenly Pop Hit… Et puis la roue de la célébrité tourne, et l’oubli engloutit peu à peu le groupe, sans doute trop loin de nos yeux pour rester vraiment près de notre cœur. Bien que restant officiellement actif musicalement, Phillipps ne publiera pas d’album pendant près de 20 ans, ne revenant avec de nouveaux Chills et un album – Silver Bullets – qu’en 2015…
Snow Bound est donc le second album de cette nouvelle incarnation d’un groupe dont la période de gloire est bien loin derrière nous… mais les vieux fans nostalgiques – du moins ceux qui restent – ne seront nullement désorientés par cette version 2.0 d’une musique qui leur fut chère, avec sa douce splendeur, avec la voix curieusement tranquille et assurée de Martin Phillipps, avec ses guitares étincelantes. Car si le « Dunedin Sound », ce mélange instable d’amateurisme touchant et d’énergie un peu rêche, est désormais bien loin, les mélodies accrocheuses de Martin Phillipps sont immédiatement reconnaissables : des chansons comme Complex, Deep Belief ou In Harmony ravivent doucement les souvenirs d’une époque magnifique, où The Chills pouvaient nous faire patienter en attendant un prochain album de XTC, par exemple…
Il y a pourtant dans ce Snow Bound joliment enlevé une « presque immédiateté » gênante : un son un peu trop rock, pour des morceaux presque trop carrés, comme si Phillipps avait mis en veilleuse ses humeurs brumeuses, ses rêves ténébreux, et surtout cette profonde tristesse – que l’on dit souvent née du décès prématuré d’un musicien et ami aux origines du groupe – qui rajoutait une profondeur surprenante aux mélodies les plus brillantes. Désir – bien compréhensible – de succès après toutes ces années d’oubli ? Recherche d’un autre angle pour sa musique, par un compositeur qui a déjà dit beaucoup de choses ? Ou au contraire, assèchement progressif d’une inspiration déjà bien mise à contribution ? La suite des événements le dira, mais en attendant, il est chaudement recommandé d’accompagner cette fin d’été par l’écoute de Snow Bound : s’il est certain que la neige viendra, pourquoi ne pas ne pas frissonner encore une fois de plaisir sur la pop éternelle de The Chills ?
Eric Debarnot
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