[Live report] Les montagnes russes de Mile Kane à La Cigale

Après un album décevant, Miles Kane a livré, ce jeudi 4 octobre 2018 à la Cigale, un set en forme de montagnes russes, nous abandonnant au final avec les mêmes doutes qu’après la sortie de Coup de grace.

Miles Kane, ou comment passer en quelques années du statut de petit frère préféré de tous les amoureux du rock anglais « pur et dur », d’étoile du Liverpool Sound perpétuant une tradition magnifique d’artisanat musical, et surtout boussole presque magnétique de la jeune star Alex Turner à celui de… gros ringard has been, corrompu par les drogues et les vices de Los Angeles ! Un concert assez discutable des Last Shadow Puppets à Rock en Seine et un album – « Coup de Grace » – assez bas du front ont fait des ravages dans les rangs des supporters français, dont certains ont déclaré forfait ! Mais pas nous, car nous pensons qu’il faut donner sa chance à ce bon Miles, dont nous connaissons le brio scénique : notre fidélité et notre honnêteté intellectuelle (!) nous ont donc poussé à être ce soir dans une Cigale complète, et bourrée de jeunes femmes, souvent originaires d’Outre-Manche…

19h45 : Juniore ! Un trio français avec deux filles et un individu (a priori de sexe masculin) masqué et cagoulé !

Miles Kane, ou comment passer en quelques années du statut de petit frère préféré de tous les amoureux du rock anglais "pur et dur", d'étoile du Liverpool Sound perpétuant une tradition magnifique d'artisanat musical, et surtout boussole presque magnétique de la jeune star Alex Turner à celui de... gros ringard has been, corrompu par les drogues et les vices de Los Angeles ! Un concert assez discutable des Last Shadow Puppets à Rock en Seine et un album - "Coup de Grace" - assez bas du front ont fait des ravages dans les rangs des supporters français, dont certains ont déclaré forfait ! Mais pas nous, car nous pensons qu’il faut donner sa chance à ce bon Miles, dont nous connaissons le brio scénique : notre fidélité et notre honnêteté intellectuelle (!) nous ont donc poussé à être ce soir dans une Cigale complète, et bourrée de jeunes femmes, souvent originaires d’Outre-Manche… 19h45 : Juniore ! Un trio français avec deux filles et un individu (a priori de sexe masculin) masqué et cagoulé ! Plus étonnant encore, la longiligne chanteuse Anna Jean se trouve être ni plus ni moins que la fille de JM Le Clézio ! La musique de Juniore est un mélange ma foi très accrocheur de variété française typée sixties et de garage rock millésimé, avec la batterie lourde et métronomique (bravo à Swanny Elzingre, à la présence magnétique et au jeu puissant !) et la guitare surf (la cagoule !) au twang maléfique comme il faut. Mélodies sympathiques, textes malins (Pas de honte à avoir, JM !), pulsation parfois irrésistible, avec quelques échos - si l'on est un peu généreux et quand le son des claviers le veut bien - des B-52's ; le public est content et fait sa fête au groupe. Dommage que les deux dernières chansons soient les plus faibles, avec un côté variété ironique "à la La Femme" qui fait retomber un poil l'ambiance. On aurait aimé les quitter après 35 minutes sur un peu de rock'n'roll... La prochaine fois peut-être ? 21 h : Toute la Cigale est littéralement électrique d’excitation quand Miles Kane apparaît, sapé comme l’as de pique dans une combinaison ringarde qui dévoile une maigreur nouvelle, et passablement ridicule avec son coup de peinture argentée sur les yeux, façon Mad Max Fury Road : mon dieu, mais c’est quoi ce look, Miles ? Les absents, ce soir, ont-ils eu, pour une fois, raison ? Too Little Too Late lance le bal, et nous rassure : c’est du fuckin’ rock’n’roll, avec un son tranchant, une guitare abrasive, et une énergie stupéfiante. La Cigale explose ! Miles se contorsionne, prend des poses, croone éhontément, mais n’oublie heureusement pas de balancer de bons riffs saignants qui sont à la hauteur de sa réputation d’excellent guitariste. Le backing band bastonne sévère, propulsé par une batteuse blonde forcenée. Inhaler, magnifique rappel du premier album de 2011, enfonce le clou : on se sent prêts à tout pardonner à Miles, et même d’avoir abandonné sa classe innée (?) pour lui préférer un style rentre-dedans qui ne fait certes pas dans la finesse. La manière dont la Cigale a entièrement pris feu ce soir au bout de quelques accords est assez exceptionnelle, même les gens des balcons sont largement debout, et il est impossible de nier l’efficacité du nouveau style de Miles Kane : et si nous, les "puristes", avions bel et bien tort, et qu’un peu de "show off" à l’américaine avait permis à Miles de gagner cette popularité après la quelle il courait en vain, à chaque fois qu’il ne se tenait pas au côté de son ami Alex Turner ? … et justement, voilà que Miles nous annonce que son pote, comme par hasard, passait par là ! Alex pénètre crânement sur la scène. Il a un nouveau look (encore un !), avec une brosse très courte et des lunettes de kéké, et c’est ni plus ni moins que l’explosion nucléaire dans la Cigale. Je ne me souviens pas avoir jamais vécu dans cette salle, depuis trente ans que j’y viens, un tel niveau d’hystérie générale : les filles hurlent et la seule chose que ça m’évoque, ce sont les scènes de délire de la Beatlemania ! Je dois dire que, à ce moment, et quelle que soit la suite la soirée, je suis foutrement content d’être là et de vivre ça ! Le groupe attaque Standing Next To Me (des Last Shadow Puppets…), et il me semble bien que je vois des filles en larmes autour de moi. Alex et Miles font du Alex et Miles, chantent sur le même micro, et à la fin Alex fait un gros bisou sur la joue de Miles. Honnêtement, objectivement, la version interprétée de Standing Next to Me était assez médiocre, mais de toute façon, on n’a pas entendu grand-chose à cause des hurlements, et tout le monde s’en moquait. Un moment incroyable de pur rock’n’roll, my friends ! Alex quitte la scène avec un dernier salut, et le set reprend une trajectoire plus normale, et dans ce cas… plutôt descendante. Nous sommes dans le ventre mou du concert, et on a un peu l’impression que toute l’énergie disponible, sur scène comme dans la salle, a déjà été dissipée. On s’ennuie un peu, en réalisant que, malgré trois albums, Miles Kane ne dispose pas encore d’un répertoire particulièrement passionnant… Sauf que le coup de mou ne va pas trop durer, et que Don’t Forget Who You Are va être l’occasion de relancer l’excitation. « When we're tongue-tied and breathless / We won't let our worries dictate who we are / So let's throw out the old towels, / We won't let our worries dictate who we are / La la la, la la la la la la n/ Don't forget who you are »… Le refrain et ses la la la est l’occasion d’un singalong général, et voilà la bonne humeur retrouvée ! La dernière partie du set sera consacrée au funk, un nouvel exercice pour Miles, exercice dans lequel il ne se ridiculise pas, au contraire : une reprise très chaude du Hot Stuff de Donna Summer, suivie par une version énervée de Coup de Grace, et la Cigale est à nouveau en extase. Et il faut bien admettre que, même si tout cela ne fait pas vraiment dans la subtilité, le fun est bel et bien là. Et c’est le morceau que nous attentions tous, ce Come Closer imparable, dont la classe survit même au traitement à grand spectacle qui lui est appliqué : sans doute la seule vraie grande chanson que Miles est composée, pour un final en apothéose… Une fausse fin, une nouvelle vague de « Whoa, ahh, ah ! » chantée par le public ravi et… c’est la fin ! Mais la VRAIE fin, car bien que le set n’ait duré qu’une heure et cinq pauvres minutes, Miles ne reviendra pas ! Pas de rappel ce soir ! Les fans sont interloqués, déçus, et bien vite furieux… La Cigale entière frappe du pied, malgré les lumières rallumées, la musique sur la sono et les roadies qui débranchent les amplis. Personne ne veut quitter la salle, et ça dure, ça dure… Jusqu’à ce que finalement la foule se disperse. Bien obligée. Une conclusion brutale, décevante, pour un concert qui aurait bien pu voler encore plus haut avec un peu plus de générosité de la part de Miles. Bref, avec ce concert en forme de montagnes russes (des hauts et des bas…), Miles Kane nous abandonne avec les mêmes doutes. L’homme est un performer habile, un guitariste doué, capable du meilleur sur scène et donc de faire oublier ses tendances lourdes à l’excès, c’est indiscutable. Il a gagné un certain niveau de reconnaissance, et une crédibilité commerciale nouvelle. Il n’a néanmoins pas regagné la place qui était la sienne dans nos cœurs… » Les musiciens de Miles Kane : Miles Kane – vocals, guitar Dom John – keyboards, guitar Nathan Sudders – bass Victoria Smith – drums La setlist du concert de Miles Kane : Too Little Too Late (Coup de Grace – 2018) Inhaler (Colour of the Trap – 2011) Silverscreen (Coup de Grace – 2018) Cry on My Guitar (Coup de Grace – 2018) Loaded (Coup de Grace – 2018) Standing Next to Me (with Alex Turner) (The Last Shadow Puppets – The Age of Understatement – 2008) Counting Down the Days (Colour of the Trap – 2011) Colour of the Trap (Colour of the Trap – 2011) Wrong Side of Life (Coup de Grace – 2018) Killing the Joke (Coup de Grace – 2018) Rearrange (Colour of the Trap – 2011) Don’t Forget Who You Are (Don’t Forget Who You Are – 2013) Hot Stuff (Donna Summer cover) Coup de Grace (Coup de Grace – 2018) Come Closer (Colour of the Trap – 2011)

Plus étonnant encore, la longiligne chanteuse Anna Jean se trouve être ni plus ni moins que la fille de JMG Le Clézio ! La musique de Juniore est un mélange ma foi très accrocheur de variété française typée sixties et de garage rock millésimé, avec la batterie lourde et métronomique (bravo à Swanny Elzingre, à la présence magnétique et au jeu puissant !) et la guitare surf (la cagoule !) au twang maléfique comme il faut. Mélodies sympathiques, textes malins (Pas de honte à avoir, JM !), pulsation parfois irrésistible, avec quelques échos – si l’on est un peu généreux et quand le son des claviers le veut bien – des B-52‘s ; le public est content et fait sa fête au groupe. Dommage que les deux dernières chansons soient les plus faibles, avec un côté variété ironique « à la La Femme » qui fait retomber un poil l’ambiance. On aurait aimé les quitter après 35 minutes sur un peu de rock’n’roll… La prochaine fois peut-être ?

21 h : Toute la Cigale est littéralement électrique d’excitation quand Miles Kane apparaît, sapé comme l’as de pique dans une combinaison ringarde qui dévoile une maigreur nouvelle, et passablement ridicule avec son coup de peinture argentée sur les yeux, façon Mad Max Fury Road : mon dieu, mais c’est quoi ce look, Miles ? Les absents, ce soir, ont-ils eu, pour une fois, raison ?

Miles Kane à la Cigale

Too Little Too Late lance le bal, et nous rassure : c’est du fuckin’ rock’n’roll, avec un son tranchant, une guitare abrasive, et une énergie stupéfiante. La Cigale explose ! Miles se contorsionne, prend des poses, croone éhontément, mais n’oublie heureusement pas de balancer de bons riffs saignants qui sont à la hauteur de sa réputation d’excellent guitariste. Le backing band bastonne sévère, propulsé par une batteuse blonde forcenée. Inhaler, magnifique rappel du premier album de 2011, enfonce le clou : on se sent prêts à tout pardonner à Miles, et même d’avoir abandonné sa classe innée (?) pour lui préférer un style rentre-dedans qui ne fait certes pas dans la finesse. La manière dont la Cigale a entièrement pris feu ce soir au bout de quelques accords est assez exceptionnelle, même les gens des balcons sont largement debout, et il est impossible de nier l’efficacité du nouveau style de Miles Kane : et si nous, les « puristes », avions bel et bien tort, et qu’un peu de « show off » à l’américaine avait permis à Miles de gagner cette popularité après la quelle il courait en vain, à chaque fois qu’il ne se tenait pas au côté de son ami Alex Turner ?

Miles Kane à la Cigale

… et justement, voilà que Miles nous annonce que son pote, comme par hasard, passait par là ! Alex pénètre crânement sur la scène. Il a un nouveau look (encore un !), avec une brosse très courte et des lunettes de kéké, et c’est ni plus ni moins que l’explosion nucléaire dans la Cigale. Je ne me souviens pas avoir jamais vécu dans cette salle, depuis trente ans que j’y viens, un tel niveau d’hystérie générale : les filles hurlent et la seule chose que ça m’évoque, ce sont les scènes de délire de la Beatlemania ! Je dois dire que, à ce moment, et quelle que soit la suite la soirée, je suis foutrement content d’être là et de vivre ça ! Le groupe attaque Standing Next To Me (des Last Shadow Puppets…), et il me semble bien que je vois des filles en larmes autour de moi. Alex et Miles font du Alex et Miles, chantent sur le même micro, et à la fin Alex fait un gros bisou sur la joue de Miles. Honnêtement, objectivement, la version interprétée de Standing Next to Me était assez médiocre, mais de toute façon, on n’a pas entendu grand-chose à cause des hurlements, et tout le monde s’en moquait. Un moment incroyable de pur rock’n’roll, my friends !

Alex quitte la scène avec un dernier salut, et le set reprend une trajectoire plus normale, et dans ce cas… plutôt descendante. Nous sommes dans le ventre mou du concert, et on a un peu l’impression que toute l’énergie disponible, sur scène comme dans la salle, a déjà été dissipée. On s’ennuie un peu, en réalisant que, malgré trois albums, Miles Kane ne dispose pas encore d’un répertoire particulièrement passionnant… Sauf que le coup de mou ne va pas trop durer, et que Don’t Forget Who You Are va être l’occasion de relancer l’excitation. « When we’re tongue-tied and breathless / We won’t let our worries dictate who we are / So let’s throw out the old towels, / We won’t let our worries dictate who we are / La la la, la la la la la la n/ Don’t forget who you are »… Le refrain et ses la la la est l’occasion d’un singalong général, et voilà la bonne humeur retrouvée !

La dernière partie du set sera consacrée au funk, un nouvel exercice pour Miles, exercice dans lequel il ne se ridiculise pas, au contraire : une reprise très chaude du Hot Stuff de Donna Summer, suivie par une version énervée de Coup de Grace, et la Cigale est à nouveau en extase. Et il faut bien admettre que, même si tout cela ne fait pas vraiment dans la subtilité, le fun est bel et bien là. Et c’est le morceau que nous attentions tous, ce Come Closer imparable, dont la classe survit même au traitement à grand spectacle qui lui est appliqué : sans doute la seule vraie grande chanson que Miles est composée, pour un final en apothéose… Une fausse fin, une nouvelle vague de « Whoa, ahh, ah ! » chantée par le public ravi et… c’est la fin ! Mais la VRAIE fin, car bien que le set n’ait duré qu’une heure et cinq pauvres minutes, Miles ne reviendra pas ! Pas de rappel ce soir !

Les fans sont interloqués, déçus, et bien vite furieux… La Cigale entière frappe du pied, malgré les lumières rallumées, la musique sur la sono et les roadies qui débranchent les amplis. Personne ne veut quitter la salle, et ça dure, ça dure… Jusqu’à ce que finalement la foule se disperse. Bien obligée. Une conclusion brutale, décevante, pour un concert qui aurait bien pu voler encore plus haut avec un peu plus de générosité de la part de Miles.

Bref, avec ce concert en forme de montagnes russes (des hauts et des bas…), Miles Kane nous abandonne avec les mêmes doutes. L’homme est un performer habile, un guitariste doué, capable du meilleur sur scène et donc de faire oublier ses tendances lourdes à l’excès, c’est indiscutable. Il a gagné un certain niveau de reconnaissance, et une crédibilité commerciale nouvelle. Il n’a néanmoins pas regagné la place qui était la sienne dans nos cœurs… »

Texte et photos : Eric Debarnot

Les musiciens de Miles Kane :
Miles Kane – vocals, guitar
Dom John – keyboards, guitar
Nathan Sudders – bass
Victoria Smith – drums
 
La setlist du concert de Miles Kane :
Too Little Too Late (Coup de Grace – 2018)
Inhaler (Colour of the Trap – 2011)
Silverscreen (Coup de Grace – 2018)
Cry on My Guitar (Coup de Grace – 2018)
Loaded (Coup de Grace – 2018)
Standing Next to Me (with Alex Turner) (The Last Shadow Puppets – The Age of Understatement – 2008)
Counting Down the Days (Colour of the Trap – 2011)
Colour of the Trap (Colour of the Trap – 2011)
Wrong Side of Life (Coup de Grace – 2018)
Killing the Joke (Coup de Grace – 2018)
Rearrange (Colour of the Trap – 2011)
Don’t Forget Who You Are (Don’t Forget Who You Are – 2013)
Hot Stuff (Donna Summer cover)
Coup de Grace (Coup de Grace – 2018)
Come Closer (Colour of the Trap – 2011)